Ce débat me laisse perplexe, non pas qu'il ne soit pas important - la question est fondamentale - mais parce qu'il y a peu, on nous expliquait que l'avenir de la démocratie, c'était Internet et les réseaux sociaux, qui allaient sauver cette pauvre démocratie représentative qui était en train de mourir. Et voilà qu'on découvre que ce bistrot à dimension mondiale pose aussi un certain nombre de problèmes !
Et lorsqu'on est confronté à des résultats électoraux qui dérangent, qu'on ne souhaitait pas et qu'on n'attendait pas, on imagine tout de suite un complot - et, bien entendu, les Russes en sont responsables.
Mais la réalité est qu'un certain nombre de politologues américains avaient prévu l'élection de M. Trump. Ils savaient que l'élection se jouerait dans la Rust Belt, qui votait massivement pour les démocrates et qui a basculé. Notons d'ailleurs qu'Hillary Clinton n'y a même pas tenu un seul meeting... De même, les régions qui ont voté pour le Brexit étaient des régions à l'abandon.
Ce qui me frappe le plus dans la fabrication de l'opinion, pour reprendre la formule de Chomsky, ce ne sont pas les « fake news », c'est la sélection de l'information. Il y a des choses dont on ne parle jamais. Résultat : comme nos concitoyens entendent toujours la même chose, quand ils entendent quelque chose de complètement stupide, ils trouvent cela formidable et porteur d'information.
Quant aux algorithmes, si vous cherchez « dette publique » sur Internet, les résultats abondent. Si vous cherchez « dette privée », rien ! Bien sûr, l'éducation est un rempart utile, mais nous n'avons pas besoin d'une éducation aux médias, ou au numérique : ce qu'il faut, c'est une fabrication de l'esprit critique. Et cela ne se fait certainement pas en acquérant des compétences, comme une mode américaine le veut depuis une vingtaine d'années - au contraire. Cela permet de mettre les choses en perspective. Mais, comme disait le Général, c'est un vaste programme...