Je crois à l'importance de la définition, mais surtout à la démonstration des mécanismes et des leviers de la mal-information, qui permettent de remonter aux acteurs qui en sont responsables. Le premier est la monétisation de la publicité par d'autres acteurs que les entreprises elles-mêmes - c'est ce qui a motivé la création de ces fermes de serveurs moldaves ou macédoniennes travaillant à soutenir Donald Trump -, monétisation dans laquelle les plateformes sont impliquées. Deuxième mécanisme : la viralité, pas seulement celle du clic, mais ces logiques de trolling et d'astroturfing, qui expliquent l'implication de Facebook dans ces affaires : la plateforme compte en effet deux milliards d'individus réels que l'on peut cibler en faisant fi des frontières...
La solution ? Se doter de médias sociaux européens. Comment se fait-il que nous n'ayons pas laissé nos réseaux sociaux atteindre une taille critique ? C'est un scandale ! Les Russes ont leurs propres réseaux sociaux, de même que les Chinois, qui les vendent à présent en Amérique latine et en Afrique. Développer cette dorsale et les conduire à une taille critique à l'échelle de l'Europe suppose des incitations, des aides, des financements. Nous avons bien essayé avec les moteurs de recherche... Qwant ne représente que 4 % du marché, faute d'éducation au numérique. Or plus on le soutient, plus il s'améliore. Il faut aussi que les acteurs en position dominante sur ce marché lui laissent de la place. Une enquête sectorielle serait utile pour prendre les bonnes décisions. Cela suppose d'encourager la recherche.
L'éducation aux médias, quand elle est faite par les journalistes ou les Gafam, n'est que du branding. Google ne fait pas de l'éducation aux médias, mais de l'éducation au numérique : nuance. France Inter, elle, fait de l'éducation aux médias, mais son émission est programmée le dimanche à 6 h 30 du matin. La cible est-elle touchée ? J'en doute. Google affirme former 5 millions de personnes au numérique, mais un représentant de l'entreprise m'a dit travailler à former des gens à créer leur business en ligne ! Il existe ailleurs des centres de recherche sur les menaces hybrides, qui travaillent à comprendre cette cyber-guerre froide dans laquelle les réseaux sociaux sont impliqués contre leur gré. Je crois aux réseaux de chercheurs pour trouver des solutions : nous gagnerions à nous doter d'un tel outil.
Je rejoins M. Benhamou sur la question de l'anonymat. Les pays qui ne supportent pas la dissidence appliqueraient notre régime de restriction de l'anonymat et nous porterions la responsabilité morale des mauvais traitements infligés aux journalistes et aux lanceurs d'alerte.