Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du 3 avril 2018 à 15h00
Élection des conseillers métropolitains — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacqueline GouraultJacqueline Gourault :

Cette évolution était devenue indispensable. En effet, l’extension progressive des compétences des intercommunalités, leur rôle accru dans l’organisation des services publics locaux, mais aussi le fait que des leviers fiscaux soient à leur disposition, ont conféré aux intercommunalités une responsabilité politique croissante, que nul ne songerait aujourd’hui à remettre en cause.

Toutefois, longtemps, cette évolution fondamentale de l’organisation décentralisée de notre République ne s’était pas accompagnée d’une évolution des modalités de désignation des conseillers communautaires.

Certes, leur légitimité était réelle, car procédant des conseils municipaux, mais elle était sans lien avec le corps électoral, avec l’expression politique et le suffrage de nos concitoyens. Cette situation nourrissait d’ailleurs des critiques récurrentes à l’égard des intercommunalités, dont le « déficit démocratique » était régulièrement dénoncé.

La loi du 16 décembre 2010 a donc utilement fait évoluer les règles pour prévoir que les conseillers communautaires seraient, dans les communes de plus de 1 000 habitants, où la désignation des conseillers municipaux et communautaires résulte de l’expression d’un même vote, élus au suffrage universel direct selon le système du fléchage, et, dans les communes de moins de 1 000 habitants, désignés automatiquement dans l’ordre du tableau.

Dans le même temps, cette loi a permis de progresser dans la mise en œuvre du principe de parité. Elle a constitué une avancée très importante sur ce point.

Deuxièmement, s’agissant des métropoles, la question de la poursuite du renforcement du lien entre élus et corps électoral a légitimement été posée par le législateur.

La loi MAPTAM du 27 janvier 2014 prévoyait que le Gouvernement dépose un projet de loi organisant l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct avant le 1er janvier 2017. La loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain a repoussé cette échéance au 1er janvier 2019.

Il est vrai que l’intégration souvent plus aboutie et la dynamique récente de prise de compétences départementales des métropoles, par le biais du mécanisme de transfert prévu par la loi NOTRe, posent avec d’autant plus d’acuité la question de la légitimité démocratique des organes délibérants des métropoles. Telle est la raison pour laquelle bon nombre de ces collectivités admettent que la question de l’élection au suffrage universel direct doit être étudiée. Les travaux préparatoires aux lois MAPTAM et NOTRe l’ont amplement démontré ; certains ici s’en souviennent.

Pour autant, à l’exception de la métropole de Lyon, qui a la qualité de collectivité à statut particulier, les métropoles se sont jusqu’à présent inscrites dans le registre de l’intercommunalité, ce qui entraîne une configuration de contraintes particulière en matière électorale.

En effet, l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct sans fléchage, qu’envisageait la loi MAPTAM, est soumise à deux contraintes.

D’une part, conformément à une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, la répartition des sièges au sein du conseil métropolitain doit s’opérer « sur des bases essentiellement démographiques », afin de garantir l’égalité de représentativité des conseillers communautaires.

D’autre part, dans le cadre de l’intercommunalité, pour assurer l’absence de tutelle d’une collectivité sur une autre, chaque commune membre de l’EPCI doit être représentée au sein de l’assemblée délibérante.

La combinaison de ces deux principes constitutionnels entraîne des difficultés techniques fortes, voire insolubles dans certains cas.

En effet, attribuer un siège de conseiller métropolitain aux plus petites communes conduit nécessairement à en affecter un plus grand nombre aux communes les plus importantes, afin d’assurer l’égale représentation démographique. S’agissant des métropoles, il en résulterait des augmentations des effectifs des organes délibérants d’autant plus élevées que l’hétérogénéité démographique des communes membres de la métropole est importante. Ainsi, le rapport entre la commune la moins peuplée et la commune la plus peuplée est de 1 à 1894 à Toulouse, de 1 à 2028 à Grenoble, de 1 à 3423 à Nice, et il atteint 1 à 6668 à Aix-Marseille.

Dès lors, comme l’a établi un rapport remis au Parlement au mois de février 2017, la mise en place du suffrage universel direct sans fléchage dans le cadre de l’intercommunalité à fiscalité propre ne peut s’envisager dans le respect des principes constitutionnels sans une augmentation démesurée de la taille des conseils métropolitains ou une complexification à l’excès des modes de scrutin.

Telles sont les raisons qui ont vraisemblablement conduit le précédent gouvernement à ne pas donner suite à l’invitation du législateur de 2014 et à laisser en quelque sorte en héritage une question demeurée ouverte.

Pour ces mêmes raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le devenir des dispositions législatives prévoyant, dans le cadre de l’intercommunalité à fiscalité propre, l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct sans fléchage, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée.

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