Intervention de Bernard Cazeneuve

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 3 avril 2018 à 17h30
Audition de M. Bernard Cazeneuve ancien premier ministre

Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre :

À partir de cette date, les critères à partir desquels les policiers ont été évalués ont fait l'objet d'instructions de la part de Manuel Valls et de moi-même, ministre de l'intérieur, puis Premier ministre. Nous ne voulions pas faire de la statistique sur la délinquance le critère de promotion des policiers. Certaines habitudes sont ancrées. Le ministère de l'intérieur doit rappeler les orientations, et le ministre s'impliquer personnellement dans les contrôles. L'ensemble des directeurs d'administration centrale et des fonctionnaires de ce ministère sont d'une grande loyauté et ont une vraie passion de la République et de l'État, mais, comme dans tout ministère confronté à une pression très forte, s'il n'y a pas un contrôle là où il y a une confiance, on n'obtient pas nécessairement le niveau de résultat attendu.

Oui, il y a des tâches indues. En 2016, au moment de la crise à laquelle les policiers ont été confrontés, et qui a occasionné des manifestations dans tous les commissariats, nous avons lancé, sous le pilotage des préfets et en présence des directeurs départementaux de la sécurité publique (DDSP), en lien avec les policiers de base, une réflexion pour définir les charges indues et les investissements immédiats nécessaires. Des efforts budgétaires ont ensuite été annoncés par le président de la République. Les choses ont progressé aussi vite que je l'aurais souhaité grâce au dialogue entre le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Justice, chacun étant dans son rôle : le ministère de l'intérieur souhaitait que les charges pesant sur les forces de sécurité, chronophages, puissent être utilement remplacées par une présence quotidienne auprès des citoyens ; tandis que le ministère de la Justice était légitime à demander que la réduction des charges indues ne remette pas en cause des dispositifs de procédure pénale garants de l'État de droit.

Nous avons décidé un premier ensemble de mesures de simplification, mais il est possible d'aller au-delà sans remettre en cause la procédure pénale. Cela suppose un pilotage interministériel avec une volonté forte de Matignon d'accompagner le ministère de l'Intérieur, afin d'alléger la tâche des policiers.

Enfin, je dirai quelques mots sur le protocole : il représente des sommes très significatives. Le protocole relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR), qui avait été décidé pour l'ensemble de la fonction publique, est appliqué de façon différentielle pour la police et la gendarmerie, en raison des sujétions de service public particulières auxquelles ces dernières doivent faire face. Des mesures statutaires et catégorielles ont été décidées pour fluidifier les carrières, en réconciliant les grades et les missions, et reconnaître les sujétions particulières. Je pense, par exemple, à l'augmentation de 80 % de la prime OPJ, la revalorisation de 2 points en quatre ans de l'indemnité spécifique de sujétions particulières, la revalorisation des petits traitements des adjoints de sécurité (ADS) et des gendarmes adjoints volontaires, la résorption du stock de brigadiers bloqués dans leur carrière, au repyramidage, à la prise en compte des postes difficiles, la valorisation indemnitaire et indiciaire de la police technique et scientifique ainsi que des psychologues et au train de mesures qualitatives de simplification des procédures permettant d'améliorer l'efficacité des conditions de travail des agents et militaires pour une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée. On a parlé de la prévention des suicides, de l'effort réalisé en matière de formation, de la modernisation des outils informatiques.

Ce plan de mesures catégorielles, qui s'inscrit dans la continuité des mesures prises sous le gouvernement de Nicolas Sarzoky, représente pour la période qui s'ouvre un investissement global de 865 millions d'euros. J'ai parfois entendu dire que l'on en avait trop fait pour les policiers et les gendarmes, mais on ne peut pas à la fois les remercier pour le sacrifice dont ils font l'objet dans l'exercice héroïque de leur mission et ne pas reconnaître le travail qu'ils réalisent, les sujétions de service public qui leur incombent, la part de souffrance qui s'attache à leur mission particulièrement difficile, en honorant les engagements qui ont été pris en termes de bonifications indiciaires.

Je répondrai le plus précisément possible aux questions qui me seront posées.

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