Intervention de Bernard Cazeneuve

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 3 avril 2018 à 17h30
Audition de M. Bernard Cazeneuve ancien premier ministre

Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre :

Je vous remercie infiniment de toutes ces questions intéressantes, qui montrent la qualité du travail que vous accomplissez et présagent d'un rapport parlementaire qui pourra utilement éclairer l'action du Gouvernement.

Vous avez évoqué la politique du chiffre et le lien qui peut exister entre les chiffres obtenus en matière de lutte contre la délinquance et les bonifications dont peuvent bénéficier les policiers. La délinquance est parfois concentrée dans un certain nombre de quartiers. L'intervention de la police y est plus fréquente et les conditions d'intervention des policiers sont plus difficiles. Il est donc nécessaire de donner aux policiers les moyens d'accomplir correctement leur mission dans ces territoires que l'on appelle parfois « les territoires perdus de la République ». En témoigne le plan de renforcement des équipements des brigades anti-criminalité, le plan BAC. Nous avons décidé d'augmenter en quelques mois les moyens de ces forces de police pour leur permettre de faire face à la vétusté des boucliers, des véhicules, etc.

Je ne pense pas que la politique du chiffre soit l'aiguillon des services de police dans ces quartiers. En revanche, là où les policiers donnent beaucoup d'eux-mêmes en prenant des risques, des primes existent pour les gratifier. La réalité est plutôt celle-ci, mais là n'est pas le problème si les policiers de base ont une perception différente.

Pendant la période où j'étais ministre de l'intérieur, j'ai été frappé à la fois par la volonté de la hiérarchie policière de faire le mieux possible alors que le pays était très exposé, et le ressenti de la base policière - la hiérarchie s'éloignait d'elle et la base était de plus en plus incomprise, notamment au regard des contraintes auxquelles elle était confrontée dans l'exercice de ces missions. Il y a donc là un problème de fond, qui ne pourra être réglé que par plusieurs ministres successifs, à condition que ceux-ci aient la volonté de conduire cette action au long cours.

À cet égard, il faut mener une action de formation des personnels de la police, augmenter le niveau de formation, mettre en place des pratiques managériales et former à ces pratiques en vue de mieux marier autorité et écoute, ce que les gendarmes font peut-être mieux - ils ont en tout cas le sentiment de mieux le vivre. La direction de la formation a été créée pour faire en sorte que la police républicaine soit bien formée, et le soit constamment. J'estimais alors que des progrès considérables devaient être réalisés en matière de management, non pas eu égard à une mauvaise volonté de la hiérarchie ou à une insoumission de la base, mais tout simplement parce qu'il fallait renouer des fils, remettre les problématiques en perspective, avec l'objectif d'améliorer l'organisation du management.

Vous me demandez si j'ai un regret. Je n'ai pas pu aller au bout de cette réflexion parce que ce travail ne peut se faire que dans un cadre pluriannuel et ne peut pas se déployer sereinement dans une période de crise aiguë, comme celle à laquelle nous avons été confrontés.

M. Dominati me demande pourquoi nous n'avons pas engagé plus de réformes de structures pour ce qui concerne les services de renseignement et la coordination, une question que nous avons déjà évoquée ensemble lorsque j'étais en fonctions.

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