Le niveau de menace reste extrêmement élevé. Aussi, l'ensemble des dispositifs dont dispose l'État doivent être mobilisés pour éviter la commission de nouveaux attentats. En disant cela, je soutiens le Gouvernement.
Alors que j'étais ministre de l'intérieur, des polémiques, provenant de sensibilités politiques différentes, ont parfois surgi, alors que, globalement, les lois étaient adoptées dans le consensus : j'ai bénéficié d'un fort soutien de l'opposition. Pour ma part, je n'agirai pas ainsi. Quand la situation est grave, la seule chose que doit faire une personne ayant exercé des responsabilités et qui sait la difficulté de l'exercice de ces responsabilités est de soutenir le Gouvernement. Je n'ai rien vu dans l'action du gouvernement actuel qui témoigne - bien au contraire ! - d'une baisse de la vigilance à l'égard du fait terroriste. Je dirai même plus : contrairement à ce qui a été parfois affirmé, le Gouvernement a inscrit dans la loi ordinaire les mesures de l'état d'urgence. Certains demandent le retour de l'état d'urgence, mais il faut ne pas avoir lu la loi d'octobre 2017 pour ne pas se rendre compte qu'une grande partie des mesures de l'état d'urgence y figurent déjà. Ce n'est pas parce que vous appelez une perquisition administrative une visite domiciliaire ou une assignation à résidence une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance que l'on est sorti de l'état d'urgence. D'ailleurs, le Gouvernement a prévu la date butoir de 2020, si j'ai bonne souvenance, date au-delà de laquelle le texte sera de nouveau réexaminé.
Je soutiens l'action du Gouvernement, car l'unité nationale ne saurait être mise en cause : quand un pays est menacé par la barbarie et des barbares, on ne ménage pas son soutien, notamment de la part de ceux qui ont exercé des responsabilités en d'autres temps. Cela n'empêche pas de dire les choses, et je les dis.
Concernant la question des fichés S, ma position n'a pas changé : la lutte contre le terrorisme est une lutte contre ceux qui veulent s'en prendre aux principes de l'État de droit et aux principes constitutionnels fondamentaux qui régissent le fonctionnement de nos institutions. On ne gagne pas la victoire contre le terrorisme en cédant aux terroristes ce que les principes constitutionnels les plus importants inscrivent au coeur de nos textes fondamentaux. Or l'article 66 de la Constitution, sur lequel le Conseil constitutionnel a eu à se prononcer à plusieurs reprises, énonce très bien ce que sont les principes de droit qui doivent régir la mise en rétention ou en détention des individus. Mais ce n'est pas la seule raison qui me conduit à être très réservé.
Une fiche S est une fiche de mise en attention des services de renseignement en raison des interrogations qu'ils peuvent avoir sur le comportement d'un individu. Si vous mettez en rétention tous ceux sur lesquels vous êtes en attention, alors il n'y a plus de renseignement en France ; il faut le savoir. Tous ceux que vous surveillez sont ceux qui se dissimuleront pour passer à l'acte ensuite. Il y aura alors beaucoup plus d'attentats, et vous affaiblirez considérablement les moyens, les outils, les missions du renseignement en France. Cette idée est attentatoire à l'état de droit dans ses grands principes et c'est une idée dont l'inefficacité est totale. Je l'ai souvent dit : 100 % de précaution ne signifie pas zéro risque, même si zéro précaution équivaut toujours à 100 % de risque.
Nous devons nous équiper, nous armer et nous améliorer chaque jour davantage, mais cela ne garantit pas, ne garantit jamais qu'il n'y aura plus d'attentats ; cela doit être dit honnêtement aux Français, par souci de vérité et de rigueur.
Oui, les attentats et les attaques terroristes sont très mobilisateurs d'énergie pour les forces de l'ordre. Concrètement, cela induit la mobilisation du renseignement en permanence, la mobilisation des unités de forces mobiles pour interroger le fichier des personnes recherchées (FPR) et le Système d'information Schengen (SIS), et faire en sorte que ceux qui sont identifiés par d'autres services de police comme présentant un risque puissent être mis hors d'état de nuire. Cela représente un stress, une angoisse pour les policiers. Le niveau de la menace peut conduire à des difficultés importantes.
M. Dominati m'a posé une question sur le lien entre la préfecture de police de Paris et la police nationale.
Pour ma part, j'ai toujours été un ardent partisan de la préfecture de police de Paris, mais peut-être parce que je suis un esprit d'un extraordinaire classicisme... J'appartiens au vieux monde. Du reste, le vieux monde s'appelle parfois la démocratie : de vieux élus viennent devant des sénateurs expliquer ce qu'ils ont fait, et c'est cela la démocratie !
J'ai été très frappé par l'efficacité, en cas de crise, de la coordination de tous les services du ressort du préfet de police, mais je sais que cette question fait débat. Compte tenu de l'importance de la capitale et de sa couronne, cette capacité de coordination immédiate constitue un atout considérable.
Faut-il fusionner la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) avec la DGSI ?