Madame l'ambassadeur, c'est un plaisir de nous retrouver. Nous vous avons connue notamment à Pékin et Londres. Vous êtes à présent en poste à Moscou, et nous nous en réjouissons.
Vous nous avez fait l'honneur d'accepter de venir éclairer nos réflexions, alors que nous sommes à la veille de rédiger en commun avec le Conseil de la Fédération russe un rapport, ce qui ne s'est jamais fait. Cet engagement a été pris par mon prédécesseur, le président Raffarin, et je mets un point d'honneur à le respecter, avec le plein appui du président Larcher.
Je rappelle que notre amitié avec la Russie est profonde, tout autant que nos désaccords, qu'il s'agisse de la question ukrainienne, de celle de la gestion de la crise syrienne, des armes chimiques ou des tentatives de déstabilisation des démocraties occidentales par des actions dans le champ médiatique et le cyberespace.
Nous avons toutefois avec la Russie des relations intenses, à la fois historiques et stratégiques, qui nous ont toujours poussés à vouloir maintenir le dialogue. C'est un signe tangible de cette volonté qui se manifeste à travers la préparation de ce document, d'autant que, comme vous le verrez dans les textes qui commencent à s'échanger entre nos deux parties, un certain nombre de points ne donnent pas lieu à de grandes difficultés.
Notre commission avait publié dès octobre 2015 un rapport destiné à « éviter l'impasse » - je cite là son titre, entre la France et la Russie dans le contexte de la crise ukrainienne. La publication de ce rapport a été le point de départ d'un dialogue qui a été suivi avec beaucoup d'attention par les deux parlements.
Après avoir fait traduire ce document en russe et l'avoir examiné, le comité des affaires internationales, équivalent de notre commission des affaires étrangères, a souhaité en débattre avec nous avant de rédiger son propre texte. Ils nous ont conviés à en discuter en février 2017, à Moscou. Je faisais partie de la délégation alors menée par le président Raffarin.
C'est à ce moment qu'il nous a été proposé de préparer un rapport conjoint, ce que Jean-Pierre Raffarin a accepté, sans ignorer les difficultés de ce genre d'exercice, mais toujours avec la volonté de privilégier le dialogue avec la Russie.
J'en présenterai la teneur le mercredi 28 mars à la commission, en prévision d'une réunion avec la délégation russe, le 5 avril, ici même.
Nous allons donc, madame l'ambassadeur, être très attentifs à vos analyses.
Actuellement dans cette période préélectorale, on évolue plutôt dans le contexte d'un discours anti-occidental émanant de plusieurs responsables politiques russes, illustré notamment par la récente adresse du président Poutine au Parlement.
De quel levier disposons-nous pour faire évoluer la Russie et la rapprocher de nos points de vue - si tant est que cela soit possible ?
Quels sont les sujets sur lesquels il vous paraît envisageable d'avancer et quel peut être concrètement l'apport du Sénat ? Nous ne nous targuons pas de pouvoirs que nous ne possédons pas, mais nous allons essayer de réaliser ce travail de manière constructive.
L'élection présidentielle russe, selon toute vraisemblance, devrait déboucher sur la réélection du président Poutine. À quoi va ressembler cette quatrième mandature, dont on imagine qu'elle sera la dernière ? Ces derniers mois ont été l'occasion d'un renouvellement très important des élites russes, destiné peut-être à enclencher une modernisation de la gouvernance publique, mais aussi, selon certaines analystes, à permettre au président russe de se délester de la gestion des questions intérieures et de se consacrer un peu plus aux dossiers internationaux. Nous conviendrons tous qu'ils en ont bien besoin - dans le bon sens bien sûr !
Peut-on s'attendre selon vous à un changement de ligne du président russe, qui pourrait se montrer davantage enclin à rechercher des succès diplomatiques et à jouer un rôle plus stabilisateur au plan international pour marquer la fin de son règne ? Voyez-vous des signes d'ouverture ou des éléments de continuité ? Ce dernier mandat sera-t-il plus dur que les précédents, ce que d'autres analyses mettent en avant ?
Enfin, ce futur mandat présidentiel s'annonçant comme celui de la transition, comment voyez-vous l'avenir de la Russie et de ses gouvernants sur le plan politique ? Quels sont à vos yeux les risques d'une telle période ?
Merci infiniment, madame l'ambassadeur, d'avoir accepté d'effectuer ce déplacement depuis Moscou.
Vous avez la parole.