Intervention de Adeline Hazan

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 11 avril 2018 à 9h05
Audition de Mme Adeline Hazan contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté :

C'est une évidence ! Seulement 3,7 % des personnes sont libérées à l'expiration du délai légal, tandis que 53 % des rétentions sont annulées par le juge judiciaire, le juge administratif ou la préfecture, preuves, s'il en était besoin, du dysfonctionnement de cette procédure ! Je vous rappelle que le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a demandé, dans une lettre en date du 8 mars 2018, qu'il soit mis fin à la rétention des mineurs et s'est inquiété de l'allongement précité à 90 jours. Depuis la création du contrôle général des lieux de privation de liberté en 2007, 58 centres de rétention ont été visités : chaque fois, nous avons constaté l'effet délétère des conditions d'accueil sur les personnes détenues.

Nous nous sommes également rendus, en 2017, dans 22 locaux de garde à vue, où, à nouveau, ont été observées des atteintes aux droits des personnes, notamment en matière d'hygiène : locaux inadaptés, couvertures usagées, absence de produits d'hygiène, etc. Les services visités appliquaient systématiquement, au nom d'un principe de précaution maximum, des mesures de sécurité destinées à des individus agités. À titre d'illustration, les objets personnels étaient confisqués quel que soit l'état d'excitation ou d'anxiété de l'individu : les femmes étaient ainsi privées de soutien-gorge pour éviter un passage à l'acte suicidaire, dont aucun, à ma connaissance, ne s'est pourtant produit par ce moyen dans un local de garde à vue. Dans les gendarmeries de taille modeste, où la surveillance de nuit se limite à quelques rondes, les personnes demeurent en outre plusieurs heures en cellule sans possibilité d'appel. Nous proposons à cet égard qu'un transfert soit organisé pour la nuit vers les locaux d'une gendarmerie plus importante ou de la police.

Nous avons enfin visité 5 centres éducatifs fermés, dont 3 faisant apparaître de graves difficultés : équipe éducative en crise, inexpérience d'un directeur tout juste intégré à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), absence de projet éducatif, implication insuffisante des familles et des éducateurs extérieurs au centre, instabilité professionnelle, etc. Une réforme d'ampleur est indispensable ; constat que nous partageons avec la PJJ. Pourtant, rien ne semble encore évoluer...

Au mois de novembre 2017, à l'occasion du colloque saluant les dix ans de l'institution, j'ai rappelé que, si le contrôleur général des lieux de privation de liberté appartient désormais au paysage institutionnel, les atteintes aux droits fondamentaux persistent d'autant plus que le climat sécuritaire s'épanouit dans notre société. L'équilibre indispensable entre la protection de la sécurité et le respect des droits s'étiole dans les établissements que nous contrôlons, comme dans la société : l'atteinte aux droits n'est plus proportionnelle au risque. Nos visites annuelles, ainsi que les 4 000 courriers que nous recevons chaque année, dont une proportion en augmentation provenant de professionnels en poste dans les hôpitaux psychiatriques, en représentent la preuve. Au Parlement de rétablir l'équilibre dont notre société a besoin !

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