Intervention de Adeline Hazan

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 11 avril 2018 à 9h05
Audition de Mme Adeline Hazan contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté :

Vous avez également évoqué, monsieur Marc, la prise en charge des détenues féminines. Si elles ne représentent que 3,5 % des prisonniers, leurs conditions de détention n'en sont pas moins inadaptées et défaillantes. Le quartier des femmes se trouve souvent au fond de la prison. Il existe une règle dans la pénitentiaire où les femmes ne peuvent pas croiser des hommes, même pour aller à la salle de sports. Pour cette même raison, leur accès aux unités médico-sanitaires est souvent limité à une demi-journée par semaine. C'est une double peine que d'être femme en prison !

Madame Lherbier, la psychiatrie en prison progresse, mais elle demeure insuffisante, d'autant que les problèmes mentaux y sont légion : 70 % des détenus présentent un trouble psychiatrique et 25 % à 27 % une psychose grave, selon la dernière étude épidémiologique menée en 2004. La prison n'est pas adaptée à ces profils ! Les personnes concernées en pâtissent et les surveillants ne peuvent gérer de telles problématiques. Le législateur doit se saisir du sujet ! L'Assemblée nationale a d'ailleurs créé un groupe de travail à cet effet. Certes, la création des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) constitue une avancée positive, mais elles demeurent encore en nombre insuffisant.

Concernant la question posée par Marie-Pierre de la Gontrie sur la dégradation spectaculaire du regard de la population sur les prisons, l'enquête de l'IFOP et de la fondation Jean Jaurès me semble témoigner d'une méconnaissance par la population de ce qui se passe véritablement en prison. Je suis frappée, par exemple, de l'état de choc dans lequel une première visite en prison plonge certains parlementaires. La pédagogie est insuffisante sur ce sujet. Il serait bon que la population visite les prisons - c'est difficile, évidemment.

Il y va également, bien sûr, d'un durcissement global de la population autour d'une demande de sécurité, depuis les attentats de 2015 notamment. Il faut faire davantage de pédagogie sur la surpopulation carcérale, sur le traitement des détenus en prison, et surtout sur l'inutilité des courtes peines, qui ne servent qu'à désocialiser davantage les personnes qui y sont condamnées.

S'agissant de l'article 57 de la loi pénitentiaire de 2009, les syndicats pénitentiaires demandent sa suppression pure et simple de façon récurrente.

Avant 2009, des fouilles intégrales, à nu donc, pouvaient être effectuées à n'importe quel moment, pour n'importe quelle raison. La loi de 2009 me semblait équilibrée : une fouille était justifiée lorsqu'on pouvait soupçonner une personne, selon des critères précis, de chercher à introduire un objet interdit dans l'établissement. Cet article 57 a été modifié en 2016. Je m'étais d'ailleurs adressée aux membres de la commission mixte paritaire pour leur dire qu'une telle modification me semblait une régression importante. Dans sa nouvelle mouture, l'article 57 dispose en effet, que dès lors qu'une suspicion existe dans l'établissement, le directeur peut ordonner des fouilles intégrales aléatoires, pour tout le monde, pour une période de temps déterminée. Une telle disposition autorise en réalité les fouilles intégrales de façon permanente : le directeur prend une décision pour un mois, après quoi, la suspicion n'étant pas levée - il existe toujours, par définition, des raisons de soupçonner l'introduction d'objets interdits -, cette décision est renouvelée pour un mois, etc.

Telle est la position que je tiendrai, devant le groupe de travail de l'Assemblée nationale qui travaille actuellement sur la question des fouilles en prison. La demande des organisations syndicales pénitentiaires me semble totalement infondée, d'autant qu'aucune hausse de l'introduction d'objets interdits n'a été prouvée après la promulgation de la loi de 2009.

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