Intervention de Anne Hidalgo

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 11 avril 2018 à 15h00
Pollution de l'air — Audition de Mme Anne Hidalgo maire de la ville de paris

Anne Hidalgo, Maire de Paris :

Non, la réduction du trafic automobile sur les voies sur berges n'a pas généré de congestion ni de pollution supplémentaire en raison des encombrements ! C'est totalement faux ! Aucune enquête ne valide ces affirmations. Depuis 15 ans, nous réalisons un suivi du trafic avec des indicateurs fiables, élaborés conjointement avec le préfet de région. Le trafic a été réduit de 30 % en dix ans grâce à nos mesures, et la pollution s'est également réduite.

La semaine dernière, des pneumologues des hôpitaux parisiens nous ont présenté leurs études sur l'impact des particules fines sur la santé de la population parisienne, et notamment des enfants, sur plus de dix ans. L'étude de la cohorte de Paris montre un impact majeur de la pollution sur la population. Ce n'est ni un fantasme, ni une information perturbée par un usage abusif de fake news.

En janvier 2018, le trafic s'est réduit de 4,8 % par rapport à janvier 2017, de 11 % en février par rapport à l'année dernière, et de 8 % en mars. Pendant dix ans, le rythme de baisse du trafic et de la pollution était de 2 % à 3 % par an, désormais il est au moins de 5 %. Les arguments utilisés pour tronquer le débat public, et que certains peuvent reprendre en toute bonne foi, peuvent vous valoir d'être interrogés sur la responsabilité de vos actes. Nous, nous luttons contre la pollution.

Toutes les études sur la mobilité urbaine font état d'un temps d'adaptation appelé phénomène d'évaporation : il faut entre six mois et un an après l'adoption de mesures pour que le trafic se réduise. Nous sommes dans cette situation. Toutes les études d'impact étaient plus pessimistes sur la pollution que la réalité constatée a posteriori. Les faits sont objectifs et réels.

Certes, il y a d'autres sources de pollution. Il y a les gaz à effet de serre, mais aussi la pollution atmosphérique, notamment les particules fines. Depuis la COP 21, la qualité de l'air est intégrée dans les négociations sur le climat, car l'Organisation mondiale de la santé (OMS) nous a alertés sur les risques de santé publique. La mairie de Paris travaille sur de nombreux autres champs, notamment sur les énergies servant pour le chauffage ou la climatisation. J'ai porté en 2007 le premier plan climat de la ville de Paris qui fixait des objectifs d'utilisation des énergies nouvelles. Le troisième plan climat a été adopté récemment, à l'unanimité, par tous les groupes du Conseil de Paris. Il prévoit l'interdiction des véhicules diesel en 2024 et des véhicules thermiques en 2030, ainsi que l'utilisation de toutes les sources d'énergie. Nous avons la chance de disposer à Paris de poches de géothermie pour chauffer les bâtiments publics, des habitations dans le Nord-Est de Paris et le nouveau quartier des Batignolles. Le système Climespace utilise l'eau de la Seine pour rafraîchir les bâtiments. Y sont raccordés les plus grands équipements, y compris privés, comme le centre commercial Beaugrenelle, premier centre commercial du monde à être raccordé à un réseau de climatisation n'émettant pas de gaz à effet de serre. C'est une politique globale. Parfois on évoque ces autres pollutions pour relativiser celle de l'air, mais elles sont au contraire un aiguillon pour aller plus vite. Selon l'étude de cohorte, les enfants sont le plus exposés aux particules lorsqu'ils sont dans la rue - lorsqu'ils vont à l'école notamment. Cela ne nous empêche pas de travailler sur la pollution dans le métro avec la présidente de la RATP, mais il faut aussi s'occuper de la pollution en surface, qui relève de ma responsabilité.

Mon programme électoral prévoyait toutes ces mesures : le plan vélo, la sortie du diesel, la fermeture des voies sur berges aux véhicules. La campagne municipale parisienne est toujours très disputée, et l'on se demande parfois s'il n'y a pas plus de candidats que d'habitants... Dès 2014, j'avais instauré une procédure de concertation qui a souvent abouti à des votes à l'unanimité, et j'ai consulté les maires des villes voisines ainsi que la région Ile-de-France. Valérie Pécresse m'a reproché de ne pas l'avoir consultée sur les voies sur berges, mais j'ai été élue en avril 2014, tandis qu'elle a été élue en décembre 2015. Je n'allais pas dire aux Parisiens que j'attendais pour agir qu'elle soit élue ! Nous travaillons dans le dialogue et en bonne intelligence avec Patrick Ollier, président de la métropole du Grand Paris. Mais je n'accepte pas qu'on exige de moi que j'attende un accord unanime pour agir ; ce serait tellement confortable ! Nous sommes confrontés à un problème de santé publique majeur qui va être judiciarisé. Certaines facilités de langage tirent vers le bas ; j'essaie de tirer vers le haut. J'aurai ma conscience pour moi. Le jour où des procès pénaux commenceront - et cela commence - chacun de ceux qui ont la main sur le coeur seront confrontés à leurs responsabilités : vous, qu'aurez-vous fait ? J'ai agi.

Il faut examiner la question du logement et de l'activité à l'échelle métropolitaine. Nous essayons de le faire depuis l'an 2000. Les politiques ont montré leurs résultats. C'est bien que des élus expérimentés, avec une vision de long terme, puissent répondre du passé. Nous avons défini un plan local d'urbanisme (PLU) dessinant le territoire parisien pour en faire un territoire mixte, en rééquilibrant la place des activités économiques et du logement. Comme par hasard, les emplois étaient à l'ouest, et les logements sociaux à l'est. Le PLU est un excellent outil de travail à l'échelle de la métropole pour éviter de grandes migrations pendulaires.

Je travaille avec le Gouvernement et notamment le ministre de la cohésion des territoires sur un dispositif permettant à Paris de limiter la fuite des classes moyennes, notamment en raison du choix des habitants de vendre leur appartement pour laisser s'installer l'activité prédatrice d'Airbnb, d'hôtels ne disant pas leur nom et échappant aux règles fiscales... C'est pour cela que nous avons développé, avec le précédent gouvernement et l'actuel, des mesures correctrices.

Quant au fret et à la logistique urbaine, Paris est la ville du monde qui a le plus de commerces de proximité par habitant, grâce au travail mené depuis quinze ans en bonne intelligence avec la chambre des métiers et au PLU. Mais l'accord récent entre Amazon et Monoprix risque de tuer ce réseau de commerces de proximité et pose un problème de mobilité et de livraison, notamment pour le dernier kilomètre.

Nous réfléchissons à l'utilisation des sous-sols, notamment avec La Poste, pour apporter des réponses liées au e-commerce, même si c'est sans doute la loi qui pourra limiter la profusion de livraisons qui viennent percuter la mobilité dont nous avons besoin. Des liaisons existent sur la Seine pour des livraisons de commerces de proximité, notamment par le port du Gros Caillou, base logistique importante. La gare de Bercy permet également l'acheminement par le rail. Nous travaillons avec les commerçants et avec Rungis où ils vont se fournir, notamment pour favoriser l'utilisation de véhicules fonctionnant au gaz ou à l'électricité. Cette semaine se tient le salon des mobilités professionnelles. L'industrie s'est saisie du sujet, et propose des offres de transport via des véhicules propres : c'est de l'emploi ! Sortons des schémas manichéens : la transition énergétique produit des mutations et des transformations d'emplois, et il faut travailler sur les processus. Sur 13 ans, les constructeurs automobiles peuvent s'adapter - c'est la durée de vie d'une automobile. La plupart d'entre eux ont jugé que la mobilité urbaine et la transition énergétique étaient une opportunité. Désormais, ils vous affirmeront que leur travail est moins de fabriquer des voitures que de proposer de la mobilité en tant que service. C'est une opportunité pour travailler en commun.

Le 27 avril prochain, nous installerons le premier comité parisien des mobilités, qui ne traitera pas simplement des transports collectifs, mais aussi des taxis, des gestionnaires de stationnement, des gestionnaires des services d'autopartage ou de vélo. C'est de cette façon-là que nous devons travailler. Nous y intégrons le sujet des navettes autonomes : nous avons testé, avec succès, une première navette autonome depuis plusieurs mois sur le pont Charles-de-Gaulle entre la gare d'Austerlitz et la gare de Lyon. Nous testons actuellement avec la RATP une navette autonome qui relie la porte de Vincennes à la Cartoucherie et au Parc floral. Nous souhaitons être prêts pour les Jeux olympiques de 2024. Cela s'intègre très bien dans le plan stratégique de développement des véhicules autonomes de Renault : ils envisagent de développer en 2021 ces véhicules, et seront prêts en 2024. Au salon mondial de l'automobile de Genève, ils ont présenté des véhicules autonomes collectifs, de six à neuf places. L'arrivée des véhicules autonomes bouleversera les transports publics collectifs. C'est pour cela que la gratuité n'est pas une question incongrue. Il faudra réfléchir à la façon dont nous utiliserons notre réseau de transport public, et comment nous inciterons à utiliser ces transports. Cette question ne doit pas seulement être examinée à l'échelle de Paris. Différentes réponses peuvent être apportées, que ce soit la gratuité pour certains publics, notamment les jeunes, ou la gratuité pour tous en cas d'utilisation de véhicules autonomes.

Le péage urbain ne s'appliquerait pas au niveau du périphérique mais au niveau de l'autoroute A86. Il pourrait financer la gratuité des transports pour un certain nombre de publics. J'étais opposée au péage urbain s'il servait à réserver l'entrée de la ville aux plus riches. Le péage de Londres a été un succès dans un premier temps, puis les automobilistes ont été prêts à payer très cher pour rentrer dans la ville. Ils ont dû augmenter le prix du péage, mais la congestion est redevenue la même qu'avant... Cette mesure ne règle pas le problème. Mais si un péage urbain à l'échelle de la métropole permet de dissuader, par exemple, les camions de traverser Paris, et qu'il finance la gratuité des transports, il pourrait être intéressant. Trois de mes adjoints travaillent actuellement sur une étude qui mettra toutes les données sur la table. J'aurais pu garder cela pour la campagne de 2020, mais je préfère qu'on ne reparte pas sur des fake news empêchant un vrai débat.

Demandez au patron de la SNCF son plan sur les gares - même si nous travaillons avec lui.

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