Intervention de Benjamin Delozier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 avril 2018 à 10h30
Impacts de la montée en charge de la contribution climat énergie « taxe carbone » — Audition conjointe de M. Alain Quinet inspecteur général des finances et président de la commission sur la valeur tutélaire du carbone M. Benjamin delOzier sous-directeur des politiques sectorielles à la direction générale du trésor et M. Kurt Van dender chef du service de la fiscalité environnementale à l'organisation de coopération et de développement économiques ocde

Benjamin Delozier, sous-directeur des politiques sectorielles à la direction générale du Trésor :

La France s'est donné pour objectif global, tous secteurs confondus, de diminuer de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Cet objectif est inscrit dans la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ; il est aligné avec les objectifs du paquet énergie-climat, au niveau européen, et avec les engagements de l'accord de Paris.

Le « plan climat » publié en juillet 2017, a ajouté un deuxième objectif, rappelé par Alain Quinet, celui de la neutralité carbone en 2050.

La France mobilise plusieurs instruments de manière conjointe pour répondre à ces objectifs : un marché de quotas d'émissions européen pour les secteurs industriels, qui couvre 45 % des émissions de l'Union européenne ; pour les autres secteurs, notamment le transport et logement, la France dispose d'une taxe nationale, la « composante carbone », intégrée aux tarifs des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques.

De manière générale, quels sont les principaux instruments de politique publique à notre disposition pour engager la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Il en existe trois : les normes, les subventions et la tarification.

Les normes d'émission représentent pour les ménages et les entreprises concernés des coûts très élevés et mal connus ex ante. Ils nécessitent en outre des contrôles significatifs.

Les subventions, qui peuvent prendre la forme de primes ou de bonus, nécessitent de définir des niveaux différents, secteur par secteur. Elles ne sont pas faciles à calibrer et s'accompagnent d'un coût élevé pour les finances publiques ainsi que d'effets d'aubaine potentiels.

La tarification des émissions de gaz - ou « signal prix » - regroupe deux outils : la taxation du carbone et les marchés de quotas d'émissions. Ces outils présentent l'avantage de faire peser le coût de la réduction des émissions sur les acteurs pour lesquels il présente un effort moindre.

Une trajectoire de prix de la tonne de carbone avait été définie dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Ce prix devait atteindre 64 euros à l'horizon de 2022. La loi de finances pour 2018 a révisé cette trajectoire à la hausse, avec un prix de la tonne de carbone de 86 euros en 2022. Cette « taxe carbone » fixe un prix de la tonne de carbone bien supérieur au prix observé sur le marché des droits à polluer pour le secteur industriel, qui se situe aux alentours de 13 euros par tonne.

Quel est l'impact comportemental de cette taxe ? Quels sont ses impacts distributifs et quelles sont les mesures d'accompagnement à la perte du pouvoir d'achat plus ou moins importante selon les ménages ?

Ce type de taxe entend inciter à l'adoption de comportements moins émetteurs de carbone. Le prix du carbone intégré dans les taxes sur la consommation de produits carbonés conduit en effet les consommateurs à prendre en compte les coûts liés aux émissions de gaz à effet de serre. Cette fiscalité oriente les comportements de consommation : le consommateur réalise un arbitrage entre le maintien de la consommation d'énergie carbonée et le paiement de la taxe ou la baisse de la consommation d'énergie carbonée.

Elle oriente également les comportements d'investissement, en rendant rentables des investissements qui ne le seraient pas autrement. À cet égard, il semble important de définir une trajectoire puisque la rentabilité de l'investissement d'aujourd'hui dépend du niveau de la taxe demain.

En pratique, nous n'avons pas encore assez de recul temporel pour évaluer concrètement les effets comportementaux de la taxe. En théorie, la consommation d'énergie est sensible aux évolutions de prix, avec une élasticité moyenne de moins 0,2 à court terme et de moins 0,7 à long terme. Il existe une grande hétérogénéité dans ces élasticités, selon les énergies et selon les différentes études économiques recensées.

Le deuxième aspect important est l'impact sur le pouvoir d'achat de la hausse de la « composante carbone ». Son ampleur dépend de la situation des ménages, qu'il s'agisse du mode de chauffage - fioul, gaz, électricité -, du mode de transport - véhicule thermique ou autres - et des distances parcourues. Au final, l'effet de la taxe dépend de la localisation géographique et pèse surtout sur les ménages ruraux. Certes, elle pèse davantage sur les ménages aisés en valeur absolue, mais elle touche davantage les ménages modestes en proportion de leur revenu. Néanmoins, une alternative à la taxe, à objectif égal de décarbonation de l'économie française, serait globalement plus coûteuse.

La littérature économique montre qu'en utilisant une partie des revenus de la taxe, les effets redistributifs peuvent être maximisés. Je citerai quelques mesures prises.

Premièrement, les mesures générales qui soutiennent le pouvoir d'achat. Je pense par exemple à la baisse de la taxe d'habitation ou encore à la baisse des cotisations sociales.

Deuxièmement, des mesures ciblées plus spécifiquement sur le pouvoir d'achat des ménages modestes : la revalorisation de la prime d'activité, du RSA, du minimum vieillesse, du complément familial, ainsi que la généralisation du chèque énergie.

Troisièmement, des mesures d'accompagnement qui vont inciter au changement de comportement. Je pense au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), qui a été recentré sur les actions les plus efficaces, au renforcement des objectifs de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) ou, en ce qui concerne les transports, à la prime à la conversion et à la prime à l'achat d'un véhicule électrique. Je pense également au bonus-malus écologique.

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