Je m'exprime à présent au nom de notre collègue Claude Haut. Le second axe de la proposition de résolution porte sur ce qui constitue le coeur de la prochaine réforme pour la Commission européenne : le nouveau mécanisme de mise en oeuvre de la PAC. Nous souhaitons, en effet, conjurer le risque d'une simplification en trompe-l'oeil, qui ne profiterait paradoxalement qu'à la direction générale de l'agriculture et du développement rural à Bruxelles, sans bénéficier aux premiers intéressés, les agriculteurs. Philosophiquement, nous souscrivons bien sûr aux objectifs annoncés, visant à concilier simplification et meilleure efficacité grâce à une plus grande subsidiarité. Mais l'expérience des plans de développement régionaux du second pilier, à la complexité byzantine unanimement reconnue, laisse perplexe. Le risque de distorsions de concurrence paraît, en outre, élevé : certains États membres, notamment les pays du Nord de l'Europe, pourraient être tentés d'utiliser le principe de subsidiarité pour gagner en compétitivité, en ayant recours au « moins-disant réglementaire ». Inversement, d'autres pays, dont la France, pourraient vouloir aller au-delà des normes minimales européennes. Tel est d'ailleurs notre penchant habituel : nous ne nous investissons pas suffisamment en amont dans les mécanismes européens de décision, puis, lorsqu'intervient la transposition, tardive, en droit national, nous nous appliquons à nous montrer bons élèves, quitte à être victimes des distorsions de concurrence que nous créons ainsi.
La Commission européenne s'est d'emblée trouvée confrontée au vif scepticisme des États membres. Elle s'est alors engagée à préciser sa position grâce à des illustrations concrètes des nouvelles procédures envisagées, mais ces assurances n'ont pas encore été fournies. Il convient pourtant que les problèmes soient résolus, avant d'envisager un tel saut dans l'inconnu ! En conséquence, la proposition de résolution « juge indispensable que la Commission européenne apporte rapidement des garanties effectives sur le nouveau mode de mise en oeuvre qu'elle envisage pour la PAC, au regard du très fort risque de création de distorsions de concurrence » et fait valoir que « faute de disposer de ces informations, le schéma de simplification proposé par la Commission européenne ne serait qu'une pétition de principe ».
La troisième orientation de la proposition de résolution consiste à refuser le statu quo, qui semble se dessiner sur les règles de concurrence comme de gestion des crises à la suite des avancées introduites par le règlement européen dit « Omnibus » applicable depuis le 1er janvier 2018. La Commission européenne pourrait, en effet, se satisfaire de ce succès. Après avoir reconnu l'apport considérable de ce règlement - souvenez-vous de la récente audition de Michel Dantin -, la présente proposition de résolution fait donc valoir que ce texte ne « constitue qu'une étape dans la voie d'une meilleure sécurisation des revenus des agriculteurs, grâce à une plus large palette d'instruments, notamment assurantiels ».
Six autres points sont ensuite consacrés aux progrès souhaités par vos rapporteurs, tant en matière de gestion des risques, que de modalités d'intervention sur les marchés en période de crise ou d'adaptation des règles de concurrence. Le texte demande, en particulier, une activation du système, actuellement inopérant, de réserve de crise du budget européen et sa transformation en un mécanisme triennal. Il recommande également de donner la priorité aux mécanismes d'aides volontaires à la réduction de la production, sans comportement opportuniste de « passager clandestin ». Je vous renvoie ici à l'année 2016 : seuls les pays vertueux, notamment la France et l'Allemagne, ont utilisé le mécanisme de réduction volontaire de la production de lait, tandis que les Pays-Bas et l'Irlande ont continué à produire, parfois avec une croissance à deux chiffres. Or, les parts de marché alors gagnées n'ont pas été restituées...
La proposition de résolution envisage en outre « le basculement d'une partie du montant des aides découplées vers des mécanismes de gestion des risques, ou la création de nouveaux outils au sein du premier pilier, ou bien encore l'activation des mécanismes existants du second pilier ». Jusqu'alors, il était possible de faire transiter 3 % du montant des aides en gestion du risque, mais les professionnels estiment que le juste taux se situe plutôt à 10 %, ce qui ferait reculer d'autant le premier pilier.
Puis, la proposition de résolution « réitère la nécessité d'adapter, en règle générale, le droit de la concurrence aux spécificités agricoles et de renforcer effectivement le poids des producteurs dans la chaîne alimentaire, ce que la réglementation européenne ne permet pas encore suffisamment ». Je salue ici le travail réalisé par Phil Hogan avec la création de la task force, en faveur de laquelle Sophie Primas et moi nous étions engagés. Nous pourrions enfin mettre en place un mécanisme proche de celui adopté par les Américains dès 1922 avec le Capper-Volstead Act, permettant aux agriculteurs de se regrouper (en ne soumettant pas les coopératives à la législation anti-trust). Précédemment, l'Europe avait plutôt malheureusement favorisé le regroupement des acteurs de la grande distribution...