Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 16 avril 2018 à 17h00
Intervention des forces armées françaises en syrie — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, le 7 avril dernier, à Douma, une troisième attaque chimique d’ampleur - et meurtrière - a été perpétrée sur le territoire syrien. Elle succède à celle qui avait déjà été menée dans la Ghouta orientale en 2013 et à celle, tout aussi meurtrière, de Khan Cheikhoun, en 2017. Ces attaques majeures ne sont que les épisodes les plus dramatiques d’une réalité composée de plusieurs dizaines de faits chimiques recensés depuis 2014.

Vous l’avez dit, monsieur le ministre : une « ligne rouge » a été franchie. Le régime de Damas savait lui aussi très bien à quoi il s’exposait par ses agissements.

La décision d’intervenir nous réunit aujourd’hui pour en débattre, et en débattre seulement, puisque la Constitution est ainsi faite : le Président de la République, en tant que chef des armées, a toute légitimité pour décider avant de nous consulter.

Cependant, nous savons dans ces circonstances que l’unité républicaine revêt toute son importance : importance envers nos concitoyens, bien sûr, importance aussi pour faire la preuve de notre crédibilité sur la scène internationale.

Faire intervenir nos forces armées est une décision grave, qui emporte des conséquences. Il est donc nécessaire que la représentation nationale puisse s’exprimer sur la décision d’intervenir elle-même comme sur ce qu’il adviendra ensuite.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, le RDSE a soutenu chacune des dernières interventions militaires françaises à l’extérieur, que ce soit au Mali, en 2013, ou en Syrie, en 2015, avec l’engagement de nos forces au sein de la Coalition.

Aujourd’hui, c’est dans ce même état d’esprit que nous vous soutenons dans cette initiative, et ce pour trois raisons.

La première raison est humanitaire. La France, fidèle à ses valeurs, ne peut pas rester inerte face à l’utilisation d’armes chimiques, des armes barbares dont les effets heurtent la conscience collective et notre sentiment d’humanité.

Comment en effet ne pas réagir face à ces images insoutenables d’enfants, de femmes et d’hommes aux visages et aux corps boursouflés, vraisemblablement par le chlore ? Cette dernière attaque aurait fait près de quarante victimes innocentes au mépris des règles du droit international.

La deuxième raison tient au fait que la communauté internationale a progressivement construit un droit lié aux conflits pour des raisons humanitaires. En l’espèce, le protocole de 1925 et des conventions interdisent l’utilisation des armes chimiques ; il y a bien sûr aussi la résolution 2118 du Conseil de sécurité des Nations unies votée en 2013 et destinée à encadrer la destruction de l’arsenal chimique syrien. La Syrie est entrée dans l’OIAC en 2013 et n’a depuis nullement respecté ses engagements. Elle a franchi la limite posée par le Conseil de sécurité.

Enfin, troisième raison, soutenir ces frappes, ce n’est pas seulement céder à l’émotion, c’est aussi en apprécier tout l’intérêt stratégique.

D’une part, c’est envoyer un message de fermeté à tous les acteurs engagés dans la région, en particulier à la Russie, soutien de Damas, afin de démontrer que nous sommes en capacité de poser concrètement des limites à l’inacceptable.

D’autre part, le régime syrien a érigé l’utilisation des armes chimiques en véritable outil tactique pour déloger les populations des dernières poches de résistance, obtenir des accords de reddition négociée avec les différents groupes. À cet égard, la dernière attaque chimique à Douma résulterait de l’échec partiel des négociations avec Jaych al-Islam, dont une partie des combattants n’avait pas accepté de quitter Douma. Par conséquent, détruire l’arsenal chimique du régime de Damas, c’est gripper sa stratégie mortifère en zone urbaine.

Aussi, je le répète, mes chers collègues, la décision de frapper les sites syriens de production d’armes chimiques et de recherche semblait inéluctable depuis quelques jours.

Bien entendu, on entend ici et là des critiques sur la légalité internationale. Monsieur le ministre, vous y avez répondu. Pour ma part, je pèse mes mots, mais je me contenterai de rappeler que, lorsque trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité prennent une décision, celle-ci revêt un poids certain, surtout lorsqu’elle répond à des principes fixés antérieurement par des résolutions. En toute logique, l’ONU n’a d’ailleurs pas condamné ces frappes.

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