Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord de m’incliner devant la qualité du débat que nous venons d’avoir. Il y a eu des nuances, il y a quelques oppositions, parfois intempestives, mais l’importance de l’enjeu n’a échappé à personne, pas plus que l’importance de ce débat – c’est un bon point, je crois, pour la démocratie et notre fonctionnement démocratique.
J’ai déjà répondu en partie, me semble-t-il, à certaines observations lors de mon propos initial, mais j’ajouterai quelques éléments d’information ou des explications complémentaires.
Pour que les choses soient très claires, je le redis : nous n’avons pas déclaré la guerre ; nous n’avons pas ajouté la guerre à la guerre. Nous avons mené une opération armée destinée à réprimer l’usage des armes chimiques, à prévenir sa répétition, sa banalisation, une opération armée pour enrayer la prolifération chimique. Je serais tenté de dire au président Retailleau que c’est Bachar al-Assad qui a ajouté la barbarie à la guerre. Notre rôle est d’éviter cette barbarie, et la voix de la France, puisque vous l’invoquiez, est précisément d’être celle qui refuse la barbarie, la généralisation et l’impunité de l’usage de l’arme chimique.
Si vous suivez bien l’évolution des forces armées syriennes, après Douma, Deraa, puis Idlib auraient pu être les prochaines cibles, car la reconquête du territoire par ces forces n’est pas achevée ? Et nous resterions là, à constater l’usage répété impuni de l’arme chimique sans que personne se lève et dise que c’est contraire aux règles historiques de la communauté internationale depuis la fin de la guerre de 14-18 ?
Il fallait agir, mais en se fondant sur les trois critères que j’ai indiqués dans mon propos liminaire : une attaque chimique avérée, une attaque chimique létale et une attaque chimique identifiée dans ses responsabilités, un point sur lequel je reviendrai.
L’argument juridique majeur est la référence à la résolution 2118 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui a été actée après les événements d’août 2013.
Certes, il n’y a pas de résolution engageant la force au titre du chapitre VII de la Charte par une décision du Conseil de sécurité. Mais, depuis 2013, a été constatée une série de violations de la résolution 2118 par le régime de Bachar al-Assad, violation des engagements qu’il devait normalement tenir. C’est d’autant plus vrai que, je vous le rappelle – on a tendance à l’oublier ! –, a été institué en 2015 un mécanisme d’enquête réunissant des experts à la fois de l’OIAC et de l’ONU.
Ce groupe d’experts, mandaté par les deux instances et validé par le Conseil de sécurité, le JIM – Joint Investigative Mechanism –, un mécanisme conjoint d’investigation, est allé sur place non seulement pour constater l’usage de l’arme chimique, mais aussi pour identifier les auteurs, ce qu’il a fait à plusieurs reprises – au moins à quatre reprises –, désignant à chaque fois le régime de Bachar al-Assad. Cette situation a conduit le Conseil de sécurité à prendre des résolutions, qui, malgré ses observations, se sont vu opposer le veto russe, à six reprises, la dernière en date fut – Mme Assassi devrait s’y attacher – mardi dernier, avant l’intervention.