Intervention de Jean-Yves Le Drian

Réunion du 16 avril 2018 à 17h00
Intervention des forces armées françaises en syrie — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Jean-Yves Le Drian :

Dans cette résolution, nous avons souhaité que ce mécanisme d’enquête soit réinstauré parce qu’il avait été supprimé en raison d’un nouveau veto russe, afin que l’on puisse immédiatement constater qu’une attaque chimique a eu lieu et en identifier le responsable. Mais la résolution de mardi dernier n’a pas non plus été mise en œuvre en raison d’un nouveau veto russe.

Dès lors, on peut considérer que l’ensemble du dispositif multilatéral relatif à l’usage des armes chimiques était bloqué depuis plusieurs années par la succession de veto russes. Aussi serais-je tenté de dire que le veto est certes un droit, mais qu’il ne fait pas le droit international. Telle est la réalité à laquelle il fallait répondre et c’est la raison pour laquelle nous sommes intervenus.

On m’a objecté qu’il aurait fallu attendre l’arrivée des inspecteurs de l’OIAC. Or la mission de cette dernière consiste non pas à identifier le responsable de l’action chimique, mais à prouver au moyen de différentes analyses, y compris en se rendant sur place, qu’il y a bien eu attaques chimiques. Des enquêteurs de l’OIAC sont aujourd’hui, il est vrai, à Damas, mais, à l’heure où je vous parle, ceux-ci n’ont toujours pas eu l’autorisation par le régime d’aller à Douma. Pourquoi les inspecteurs viennent-ils si tard ? Pourquoi d’ailleurs ne pas avoir validé dès mardi dernier une résolution du Conseil de sécurité qui pouvait mandater immédiatement des experts ? Voilà la réalité.

C’est pourquoi notre action s’inscrit en pleine conformité avec les objectifs et les valeurs proclamés dès ses premières lignes par la Charte des Nations unies.

Notre intervention est justifiée, car il n’était pas tolérable de voir un régime syrien continuer impunément à tuer sa population. Elle est nécessaire, car nous ne pouvions continuer à assister impuissants à la succession des blocages opérés par la Russie, avec la répétition de son droit de veto. Et, tout le monde l’a reconnu, elle est proportionnée, car n’avons visé que les sites chimiques clandestins syriens, sans victime collatérale, comme je l’ai déjà indiqué précédemment.

Il fallait envoyer un message clair au régime syrien et à ceux qui le couvrent : il fallait leur dire très clairement que, en matière de prolifération chimique, il n’y aura ni banalisation ni impunité.

Permettez-moi de revenir sur deux autres points qui ont été abordés, de manière plus ou moins importante, par les uns et par les autres.

Concernant les preuves, les sources – certains s’en sont émus ou sont interrogatifs –, je voudrais vous rappeler que, dès la nuit du 7 au 8 avril, nous avons disposé d’une masse de plus en plus importante – quand je dis « nous », je parle de la France – de témoignages, de photos, de vidéos qui, toutes, ont été analysées et jugées authentiques par nos propres spécialistes.

Dans le même temps, les organisations médicales non gouvernementales, qui sont actives depuis plusieurs années dans la Ghouta orientale et disposent de personnels médicaux, ont porté à notre connaissance un nombre massif de patients ou de corps présentant des symptômes d’exposition à un agent chimique. Nous avons aussi pu constater à partir de l’analyse des photos et des vidéos qui nous sont parvenues l’ampleur du drame : les symptômes, qui étaient bien identifiés, correspondaient à l’action de gaz.

Par ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé, elle-même, a estimé que, « au cours du bombardement de Douma samedi, 500 patients se sont présentés dans les établissements de santé avec des signes et symptômes correspondant à une exposition à des produits chimiques toxiques ».

L’ensemble de ces informations a été analysé par nos propres services – nous avons l’autonomie de décision – et nos laboratoires : ceux-ci ont tous confirmé que tous les symptômes et tous les éléments constitutifs d’une attaque chimique avec des agents destinés à tuer étaient réunis. Il s’agit donc bien d’une attaque chimique.

Quant à la responsabilité de cette attaque, elle ne fait pas davantage de doute.

Nous disposons d’abord de renseignements confirmant que ce sont des officiers des forces syriennes qui coordonnaient l’emploi de ces armes. L’attaque a eu lieu pendant l’offensive généralisée pour reprendre le dernier bastion tenu par Jaych al-Islam dans la Ghouta orientale. C’était une manière d’accélérer la prise de contrôle de ce secteur. Ce n’est malheureusement pas la première fois : lors de chaque opération de ce type, les forces armées syriennes ont utilisé les mêmes méthodes, qui ont permis d’accélérer leur progression par le gazage des poches de résistance, pour soumettre par la terreur des populations civiles. Rappelez-vous Alep ! Rappelez-vous l’attaque d’août 2013 ! Rappelez-vous Khan Cheikhoun ! Rappelez-vous les quatre attaques confirmées par le JIM, dont je parlais voilà quelques instants, qui ont eu lieu en vue de la reprise de territoires.

J’ai entendu, comme vous, des manipulations lourdes. On nous a d’abord dit qu’il n’y avait pas eu d’attaques chimiques. Ensuite, ce sont les mêmes qui ont empêché mardi dernier une enquête indépendante, comme je l’ai expliqué précédemment. Le mercredi, ce sont toujours les mêmes qui ont expliqué – je l’ai même entendu, me semble-t-il, dans cet hémicycle ! –…

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