Les Chinois ont été aidés par les Russes qui leur ont donné leur précédent porte-avions. Le Liaoning est un ancien porte-avion russe qui possède un tremplin. Pékin souhaite désormais disposer de porte-avions analogues à ceux des Américains qui déplacent 110.000 tonnes et disposent de catapultes électromagnétiques. Comment y parviennent-ils ? Le Livre blanc de l'armée chinoise de 2015 consacre la Marine comme priorité stratégique. L'investissement naval chinois permet de construire l'équivalent de la Marine française en quatre ans. C'est là une priorité politique tout comme l'était en France, au début des années 60, la création de la Force océanique stratégique (FOST) qui aura nécessité seulement douze années de travaux titanesques, au terme d'une réorganisation militaire et industrielle, pour construire nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, leurs missiles, et les infrastructures de l'Ile Longue. Il est toujours possible, au prix d'un effort budgétaire majeur, d'accélérer des programmes considérés comme essentiels pour la Nation. C'est manifestement le cas de la marine chinoise.
La question du porte-avions est avant tout liée à la mobilité stratégique, par exemple pour répondre au nomadisme des crises. La question principale n'est donc pas de savoir si les avions seront pilotés ou non, mais d'en disposer à proximité des zones de crise à bord d'un porte-avions.
Le passage des FREMM à deux équipages procède d'une exigence stratégique. Il me faut offrir de la prévisibilité dans une marine d'emploi où l'appareillage des bateaux peut s'effectuer sans préavis, afin de fidéliser les marins. Il faut sans doute aussi mieux payer les équipages -c'est l'objet de la NPRM- et s'occuper davantage de leur famille.
Certaines missions, comme Atalante, dans l'océan Indien, sont effectuées en coopération. Cependant, nous pourrions donner un cadre plus européen aux opérations que nous conduisons dans le Golfe de Guinée, où agissent également les Espagnols et les Portugais. Un cadre européen nous permettrait de rassembler nos énergies, à l'instar de l'opération Eunavfor Med (Sophia) en Méditerranée centrale menée face au drame des migrations massives. La France a émis un certain nombre de propositions destinées à rassembler les Européens. Ce sujet est toujours en débat. Pour la marine, cette coopération pourrait concerner la surveillance maritime en recourant à l'intelligence artificielle pour distinguer, parmi le flot de milliers de données échangées dans l'environnement maritime, celles qui révèlent des comportements anormaux, Nous pouvons également travailler sur les capacités d'entrée en premier depuis la mer, autour de moyens amphibies ou de porte-avions, en cherchant à agréger nos partenaires européens. Je leur ai d'ailleurs proposé de participer au prochain déploiement opérationnel du Charles de Gaulle courant 2019, comme ils l'avaient fait en 2016. Les premières réponses de mes homologues sont encourageantes, mais je ne pourrai vous en parler qu'en septembre prochain.
Notre présence maritime en Mer de Chine a été justifiée par M. Jean-Yves Le Drian, alors Ministre de la Défense, à Singapour lors du dialogue de Shangri-La. La France, qui dispose de la deuxième zone économique exclusive mondiale, a vocation à s'exprimer sur la consolidation du droit maritime international qui se trouve remis en cause en Mer de Chine méridionale. Cette déclaration a été suivie d'effet ; entre six à dix fois par an, un bâtiment français navigue depuis lors en mer de Chine méridionale afin de faire prévaloir le droit maritime international. Ces mouvements ne passent pas inaperçus, tant auprès nos partenaires chinois qui nous suivent sans agressivité, que des pays voisins qui constatent que la France était jusqu'à très récemment le seul pays européen présent dans ces eaux. Dans cette région du monde, nous avons des partenaires importants comme l'Australie la Malaisie ou l'Indonésie. La LPM va nous permettre de poursuivre cette action qui répond aux attentes de nos partenaires. Cette présence dans le Pacifique Ouest doit être reliée à notre positionnement permanent, depuis plus de cinquante ans, dans le Nord de l'Océan indien. La marine chinoise couvre également cette zone s'étalant entre le Pacifique occidental et l'Océan indien, avec la nouvelle base créée à Djibouti, la présence très importante de bâtiments de combat chinois depuis la partie Ouest de l'Océan indien et jusqu'en Méditerranée. Nos déploiements prennent ainsi en compte cette nouvelle donne stratégique.