L'idée centrale de notre proposition de loi est de faciliter les installations en centre-ville. Tous les commerçants que nous avons entendus nous ont dit qu'ils n'hésiteraient pas à y revenir si cela coûtait moins cher ; cela implique une réduction de la fiscalité.
Nous proposons donc d'offrir aux élus locaux, en particulier dans les périmètres Oser, davantage de marges de modulation de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom). La collectivité ou l'EPCI pourrait ainsi réduire la taxe du montant des frais engagés pour l'amélioration, la transformation, ou l'aménagement d'un local commercial ou artisanal ; ou exonérer de Tascom les entreprises artisanales et commerciales dans les périmètres Oser. Cette exonération pourrait par ailleurs être conditionnée à la remise en état du local, pour encourager à la modernisation des locaux de centre-ville ; à l'inverse, dans un souci d'équilibrage, la collectivité ou l'EPCI pourrait majorer la Tascom des seules grandes surfaces - à partir de 2 000 mètres carrés - et hors des périmètres Oser ; c'est une forme de péréquation entre centre-ville et périphérie. De même, il est temps d'assujettir les surfaces de stockage des drives à la Tascom.
Toujours pour réduire les coûts en centre-ville, nous proposons la mise en place, dans les périmètres Oser, de zones de revitalisation de centre-ville reposant sur une exonération, d'abord totale puis partielle, sur les bénéfices pour les entreprises artisanales et commerciales de moins de vingt salariés. Nous souhaitons éviter les effets d'aubaine qu'avaient produits les zones franches urbaines (ZFU).
Pour augmenter l'offre de locaux adaptés à un prix abordable en centre-ville, nous pensons réduire les taux de TVA à 10 % sur les logements neufs et sur les réhabilitations complètes. Compte tenu de l'encadrement européen de la TVA, nous avons essayé de trouver, avec la commission des finances, un système ouvrant cette réduction aux programmes mixtes entre logement social, logement intermédiaire et logement privé.
Nous souhaitons aussi réduire le poids des normes en instituant au profit des maires une possibilité de dérogation aux normes les plus contraignantes dans les périmètres en difficulté, sur le modèle de la possibilité de dérogation accordée aux préfets depuis décembre 2017. Le président de la communauté de communes de Joigny a souligné, lorsque nous l'avons entendu, qu'il n'avait pas les ressources pour rénover un centre-ville entièrement patrimonial.
Nous voulons redynamiser les centres-villes en facilitant la remise sur le marché des logements en étage des commerces, trop souvent inoccupés, grâce à une remise en cause les baux dits « tout-immeuble » qui stérilisent ces surfaces.
Pour la modernisation du commerce de proximité, un crédit d'impôt aidera les commerçants et artisans à se former au numérique et à s'équiper en conséquence. Le e-commerce est aussi une opportunité face à laquelle, plutôt que de l'entraver, il convient de mettre tous les artisans et commerçants à égalité.
Nous avons également repris une initiative de nos collègues Claude Nougein et Michel Vaspart, au nom de la délégation aux entreprises, visant à faciliter la reprise d'entreprises par de nouveaux commerçants et artisans.
Enfin, nous proposons un nouveau contrat plus souple que le bail commercial, qui permettra à des exploitants de s'installer dans des centres fragilisés, mais avec moins de risques. Ce contrat, sans droit au bail ni pas de porte, ne serait pas un bail mais un contrat de mise à disposition de local commercial contre une redevance proportionnelle au chiffre d'affaires.
L'intérêt pour le preneur est évident lorsqu'il est en phase de décollage ou dans les zones difficiles : il n'aura pas de loyer à avancer - alors qu'il a peu de revenus - ni de droit au bail à financer. Or c'est très souvent ce qui étrangle les nouveaux commerçants, contraints de s'endetter lourdement pour cela. Pour le bailleur, l'intérêt est de disposer d'un contrat plus souple, sans droit au renouvellement pour le preneur quand le contrat arrive à son terme. Ce dispositif très équilibré, qui suscite l'intérêt de la direction générale des entreprises, serait particulièrement adapté pour des collectivités voulant avoir une gestion active de locaux commerciaux, par exemple via une société d'économie mixte.
En conclusion, nous avons essayé de construire un texte audacieux mais équilibré, consistant à trouver des ressources pour nos collectivités sans imposer des acteurs économiques fragiles, comme les TPE et PME ; renforçant à la fois les pouvoirs des élus et leur responsabilisation, pour qu'ils développent de véritables stratégies territoriales de développement commercial et artisanal et de services, notamment de services de santé.
Nous avons plaidé avec succès auprès du président du Sénat et de nos groupes pour que notre proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour et examinée avant le projet de loi Élan du Gouvernement. Ce dernier, qui compte 66 articles, n'en a qu'un - le n° 54 - consacré à la revitalisation des centres-villes. Ainsi les sénateurs pourront exprimer leur préoccupation sur ce sujet avant l'examen du projet de loi Élan.
Il convient d'aborder la question avec un regard nouveau et une volonté de changer réellement les choses. Ce texte est le fruit de neuf mois de travail. Dans la situation économique que nous connaissons, alors que la crise des centres-villes et des centres-bourgs vient s'ajouter aux autres, le Sénat doit se tenir aux côtés de nos élus et de nos territoires. La ville européenne ne mérite pas seulement d'être préservée pour des raisons esthétiques : c'est une conception de l'humanité, un mode de vie. Au retour des beaux jours, nous avons vu les gens sortir dans nos villes, se rencontrer, consommer. Notre travail vise aussi à retrouver du lien social, à donner une dimension humaine à nos bourgs et villes qui en ont bien besoin.