En ce qui concerne tout d'abord le rôle des parents, je rappelle qu'ils exercent, la plupart du temps, l'autorité parentale sur leurs enfants. En conséquence, quand leurs enfants font l'objet de poursuite, ils sont attraits à la procédure. Certaines mesures, comme la garde à vue, ne peuvent être prises sans que l'on prévienne le titulaire de l'autorité parentale.
Ensuite, il y a des situations de fait, que les professionnels constatent sur le terrain, avec certains parents qui abandonnent leurs responsabilités. Un parent qui délaisse son enfant peut d'ailleurs être poursuivi pour abandon de mineur. Des mesures alternatives, comme le stage d'éducation à la parentalité, produisent de bons résultats. Mais certaines situations sont complexes à appréhender par la justice : des enfants ne rentrent plus chez eux dès l'âge de onze ou douze ans, d'autres travaillent comme « guetteurs » dans le cadre du trafic de drogue, les réseaux criminels tirant parti de ce qui est perçu comme une « immunité pénale » ; leurs parents ferment parfois les yeux sur cette situation parce que leur enfant rapporte un revenu à la famille, qui lui permet de payer son loyer... Ce sont des situations que j'ai observées de près lorsque j'étais président du tribunal de Bobigny.
Pour répondre à la question de M. Fichet, je précise que les infractions commises pendant la minorité sont effectivement prises en compte pour déterminer si un majeur est ou non en état de récidive. En revanche, les règles relatives au « droit à l'oubli », qui permet d'effacer des infractions du casier judiciaire, sont plus favorables pour les mineurs, afin de favoriser leur réinsertion et notamment leur recherche d'un emploi.
Vous évoquez le phénomène du caïdat : il est vrai que la prison n'a pas toujours des effets bénéfiques, que ce soit pour un majeur ou pour un mineur. Mais votre question pose aussi le problème de la désistance : comment expliquer que certains jeunes délinquants, qui empoisonnent la vie des juridictions, retrouvent finalement le droit chemin ? On n'a jamais bien analysé comme s'opère la désistance. De nombreux facteurs peuvent entrer en ligne de compte : la rencontre avec une jeune fille, le fait de trouver un emploi, l'accomplissement d'un travail d'intérêt général, qui permet au mineur de découvrir un métier et de changer de vie, la rencontre avec un adulte qui va apporter un cadre plus solide que celui offert par les parents... Tous les mineurs délinquants ne deviennent pas des adultes délinquants et le ministère a récemment mis en place un Observatoire de la désistance pour mieux comprendre ces évolutions.
La délinquance est un phénomène très majoritairement masculin : les filles représentant moins de 10% des mineurs poursuivis. Ce chiffre est assez stable, bien qu'on lise parfois dans la presse que les filles seraient plus nombreuses à commettre des actes de délinquance. Peut-être commettent-elles plus souvent des actes violents, mais une étude sociologique plus fine serait nécessaire pour le confirmer.
La mixité est un sujet complexe. La question ne se pose pas dans les établissements pénitentiaires où la séparation est stricte. La mixité se rencontre, en revanche dans certains CEF, mais il semble qu'elle pose des problèmes de fonctionnement dans ces structures.
Sur les CEF, c'est la directrice de la PJJ qui est la mieux placée pour vous en parler. Je crois cependant que les CEF ont montré leur utilité : dans le ressort de la cour d'appel de Colmar, où j'ai exercé, se trouvent par exemple deux CEF, l'un à Saverne, l'autre à Mulhouse, qui donnent de bons résultats. La performance des CEF dépend toutefois beaucoup de la qualité de l'équipe éducative. Ce sont des structures dont le fonctionnement est coûteux, compte tenu du nombre d'éducateurs par mineur, mais les résultats sont souvent probants. J'ai aussi le souvenir du fonctionnement d'un CEF établi à Épinay, en Seine-Saint-Denis, au milieu d'un quartier sensible, avec une équipe surtout composée de contractuels, et qui a donné des résultats moins convaincants.