Intervention de Sylvie Pierre-Brossolette

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 19 avril 2018 : 1ère réunion
« l'action du csa sur les droits des femmes — Bilan et perspectives » - Audition de Mme Sylvie Pierre-brossolette membre du conseil supérieur de l'audiovisuel

Sylvie Pierre-Brossolette, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) :

Mais même avec toute la bonne volonté du monde, des chartes d'engagement, les choses évoluaient peu. J'ai intégré le CSA en 2013, ce qui correspond au débat sur la loi relative à l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, promulguée symboliquement le 4 août 2014. Dès ma première année au CSA, j'ai demandé à l'Institut national de l'audiovisuel (Ina) de dresser un état des lieux des inégalités et de la représentation quantitative des femmes à l'antenne. Le résultat était accablant : elles ne représentaient que 13 à 17 % des experts ! J'ai aussi demandé aux services du CSA trois études sur les stéréotypes dans la fiction, la télé-réalité et les dessins animés. Évidemment, il en restait beaucoup.

La loi de 2014 est une formidable avancée mais son application est prévue « en concertation avec les chaînes ». Je ne peux donc rien imposer. Il a fallu dix-huit réunions pour leur arracher la délibération que nous avions adoptée en février 2015, à la demande du Parlement, pour que les chaînes remettent un rapport tant qualitatif que quantitatif sur la présence des femmes. Il s'agit donc d'autodéclaration et d'autoévaluation, réalisées à partir de questionnaires élaborés en commun. Dans un souci de pragmatisme, j'ai demandé qu'on dénombre les programmes mettant en valeur des femmes pour valoriser ceux qui n'étaient pas empreints de stéréotypes. À cela s'ajoutent des chiffres comme le nombre de présentatrices, d'animatrices, et d'expertes invitées.

La première année de suivi de ce questionnaire a été difficile. Mais dès la deuxième année, en 2017, nous avons obtenu un vrai décompte, avec des tableaux détaillés remis à temps. Nous observons de vrais progrès : le nombre d'expertes est passé d'environ 15 % en 2014 à 35 % en 2017. Nous ne sommes pas encore au bout du chemin, mais à force d'obliger les chaînes à déclarer et à comptabiliser, j'étais devenue leur mauvaise conscience ; les expertes sont symboliquement des « sachantes ». Le chiffre d'animatrices ou de présentatrices frôle désormais les 50 %. Il faut s'attacher non seulement au quantitatif, mais aussi au qualitatif : quelles sont les expertes qui interviennent, sur quel sujet, à quelle heure, et pendant combien de temps ?

En tant que journaliste, j'avais pris l'habitude avec le temps de comportements aussi mal élevés que ceux des hommes pour réussir à parler... Il faut être conscient que la prise de parole à l'antenne n'est pas toujours facile pour les femmes. On ne coupe pas la parole, on laisse parler les autres... L'année prochaine, après mon départ, il faudra davantage préciser ces études.

Certaines animatrices sont soucieuses de faire venir des femmes, y compris où on les attend le moins, comme les sujets régaliens. Ainsi, Caroline Roux a fait venir, sur le thème de la Syrie, trois expertes sur quatre présents. Elle a hérité de l'émission d'Yves Calvi où il n'y avait jamais de femmes, et ce changement a fonctionné : elle fait de meilleures audiences. Grâce au service public, qui compte 41 % d'expertes - contre 25 % sur les chaînes privées - la situation a progressé. Le service public a pris des engagements : France Télévisions s'est engagée, dans son contrat d'objectifs et de moyens, à atteindre le seuil de 50 % d'expertes d'ici la fin du mandat de Delphine Ernotte, en 2020. France Info s'engage à une progression de 0,5 % par an sur son propre chiffre - ils partaient de loin - tandis que France Médias Monde a inscrit dans son contrat d'objectifs et de moyens le chiffre de 33 % d'expertes d'ici 2020, et de 40 % de femmes en général. Il a fallu se battre à chaque instant.

Néanmoins, je vous invite à vous emparer d'un sujet : le nombre de femmes politiques présentes à l'antenne et à la radio s'est effondré en 2016-2017, année électorale, alors que l'Assemblée nationale compte plus de 38 % de députées. Vous n'êtes plus que 27 % de femmes politiques invitées en 2017. C'est un scandale ! Aidez-moi et interpellez la ministre de la culture et de la communication et la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Le CSA peut prendre des sanctions en cas de dégradation des résultats. Je ne l'ai pas fait pour cette première année où nous avons reçu des rapports détaillés, mais nous pourrions en prendre l'année prochaine. Nous avons besoin de l'aide de tous.

Grâce à vous, qui avez accordé une nouvelle compétence au CSA en 2017 en matière de publicité - sans toutefois lui transférer le pouvoir réglementaire, resté au ministère de la culture - j'ai demandé une étude, dont le constat est largement partagé par les annonceurs et les agences. Ses résultats sont catastrophiques : dans les publicités, 80 % des experts sont des hommes. Cela ne coûterait pas plus de choisir des femmes ! Il y a une sexualisation des rôles par produit : 90 % des publicités sur l'automobile sont présentées par des hommes au volant.

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