Intervention de Sylvie Pierre-Brossolette

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 19 avril 2018 : 1ère réunion
« l'action du csa sur les droits des femmes — Bilan et perspectives » - Audition de Mme Sylvie Pierre-brossolette membre du conseil supérieur de l'audiovisuel

Sylvie Pierre-Brossolette, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) :

Les femmes sont sur le capot et à moitié nues ! La publicité des montres Breitling en dit long : un homme, ravi, conduit un avion, sur le capot duquel est allongée langoureusement une femme. C'est récurrent et l'Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) laisse passer : ils craignent que cela bride la liberté de création. Lors des dix-huit réunions avec les chaînes, Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), et Thomas Anargyros, président de l'Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA), m'ont soutenue, car les auteurs avaient peur qu'on limite leur créativité. J'ai organisé des séances chez eux.

Dans le secteur publicitaire, Jean-Luc Chétrit, directeur général de l'Union des annonceurs (UDA), m'a beaucoup aidée, allant à l'encontre de ses annonceurs. Une fois le constat partagé, j'ai réussi à leur arracher un accord en décembre 2017 pour réaliser une charte partagée d'auto-engagement. J'ai le pouvoir de sanctionner au coup par coup une publicité sexiste ou dégradante mais ne peux faire de travail de long terme sur des publicités présentant toujours des femmes faisant leurs courses... Cette charte, dévoilée le 8 mars, engage les professionnels à réduire le nombre de publicités sexistes ou enfermant les femmes dans des stéréotypes. Ils s'obligent à montrer les femmes autrement que dans un rôle domestique et à rééquilibrer le nombre d'experts femmes et hommes. Nous avons réalisé tout ce travail en un an.

Le président de la République envisage de confier au CSA des compétences supplémentaires dans le numérique, secteur où l'on peut voir les pires horreurs - pornographie, vulgarité, sexisme, violences - alors que demeure une certaine retenue à la télévision, même si certaines émissions de divertissement commencent à diffuser des séquences de vidéo Internet - il faut bien rire... J'envisage de prendre des sanctions. J'ai besoin de votre aide car on nous accuse de n'avoir aucun humour et d'être les gendarmes des bonnes moeurs et du bon goût. J'ai besoin de la représentation nationale, car j'applique la loi : il y a des limites à l'humour. Le collège me soutient, ainsi que beaucoup de journalistes, alors que certains animateurs se sont plaints.

Grâce à la loi, nous avons pu sanctionner. Je l'ai fait très progressivement, en écrivant plusieurs fois des avertissements, en adressant une mise en demeure, pour laisser possible une autorégulation... À la deuxième mise en demeure intervient le rapporteur indépendant, qui propose une sanction. Nous avons mené dix-neuf interventions en quatre ans, quatre en 2017 dont deux avec des sanctions financières, pour une émission de Cauet sur une radio privée et pour une émission de Cyril Hanouna sur une télévision privée. Depuis, ces animateurs n'ont plus dérapé. Merci de nous avoir donné ce pouvoir, nous l'utilisons jusqu'au bout. Nous devons continuer, pour montrer que la loi et le CSA servent à quelque chose.

Nous devons faire le même constat dans le numérique, mais cela demande des moyens importants, pour embaucher quatre personnes. J'ai demandé la mise à disposition de personnel du ministère de la culture et, plus particulièrement, du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), sans succès. Nous essaierons de réaliser l'étude avec nos petits moyens, pour ensuite rencontrer la profession.

J'ai commencé une étude sur le pluralisme et les fake news - le CSA pourrait avoir une nouvelle compétence sur les fake news et les sites qui les propagent - et j'ai rencontré trois des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), qui sont prêts à collaborer. Ils s'engageront d'autant plus lorsqu'on leur présentera le constat de la situation. Je souhaite réaliser une étude sur les vidéoclips qu'on trouve sur Internet pour rendre la loi plus contraignante.

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