Intervention de Michèle Vullien

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 18 avril 2018 à 8h40
Audition de M. Stéphane Bouillon préfet de la région auvergne-rhône-alpes coordonnateur du plan national d'actions 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage

Photo de Michèle VullienMichèle Vullien, rapporteure :

Il me revient de vous présenter nos principales préconisations. Le Président de la République et le Premier ministre ont fait des annonces qui paraissaient clore le débat, mais, pour nous, le débat n'est pas clos.

La mesure d'abaissement de la vitesse a été annoncée brutalement et sans concertation avec les acteurs concernés, au premier rang desquels les départements et les usagers. Elle doit s'appliquer sans discernement à la majorité des routes nationales et départementales, alors qu'il avait été prévu, comme notre collègue Michel Raison l'a souligné, qu'elle serait mise en oeuvre là où cela serait nécessaire.

Cette mesure est vécue comme fortement pénalisante par un grand nombre de nos concitoyens, en particulier dans les territoires enclavés, où la route est le seul mode de déplacement possible. Elle est perçue comme d'autant plus injuste que les services de l'État ont parfois refusé d'aménager les routes nationales pour les transformer en routes à deux fois deux voies. Il faut dire que, lorsque certaines routes nationales ont été transférées aux départements, l'État ne les entretenait qu'a minima depuis un certain temps.

Cette mesure pose ainsi un véritable problème d'acceptabilité, d'autant qu'elle a été isolée parmi les 18 mesures envisagées, ce qui a cristallisé les exaspérations. Chacun a pu mesurer dans son département les crispations. Mon territoire n'est certes pas de ceux où les réactions sont les plus vigoureuses, et d'ailleurs souvent mes collègues rapporteurs m'ont dit : tu raisonnes comme une métropolitaine... Mais non, j'ai conscience des problèmes qui se posent sur tous les territoires, y compris ceux où il n'y a pas d'alternative à la route !

Au cours de nos auditions, le manque de concertation a été particulièrement souligné.

C'est pourquoi notre groupe de travail, au sein duquel nous avons travaillé en harmonie, a recherché une solution permettant à la fois de prendre en compte les enjeux de sécurité routière - tous, nous voulons qu'il y ait moins de morts et de blessés - et d'assurer la proportionnalité du dispositif.

Nous proposons que la réduction de la vitesse maximale autorisée soit décidée de façon décentralisée, au niveau des départements, et ciblée sur les routes accidentogènes. Il s'agit d'adapter la réduction de vitesse aux réalités des territoires, plutôt que de l'appliquer de manière indifférenciée. La France n'est pas uniforme !

Du reste, la décentralisation de la décision est déjà la règle pour la détermination des vitesses maximales autorisées : les présidents de département et les maires - ou, à Lyon, le président de la métropole - sont compétents pour réduire les vitesses limites sur les routes dont ils ont la gestion. Cette faculté est fréquemment utilisée, comme en témoigne la mise en place de zones de rencontre et de « zones 30 » dans de nombreuses agglomérations. La méthode a fait ses preuves, et on ne voit pas pourquoi l'État prendrait d'un seul coup la main en la matière.

Nous proposons donc que soient organisées dans chaque département, de juin à décembre 2018, des conférences départementales de la sécurité routière, sous l'égide du président du conseil départemental, ou du président de la métropole, et du préfet. Ces conférences auraient pour mission d'identifier les routes ou tronçons de route les plus accidentogènes, pour lesquels une réduction de la vitesse à 80 kilomètres par heure permettrait de réduire les accidents de manière certaine.

Ces conférences devraient associer l'ensemble des acteurs concernés, en particulier les représentants des services de l'État et des départements en charge de la gestion des routes, les associations d'usagers de la route, les associations de lutte contre la violence routière et les représentants des chambres consulaires locales.

Le travail d'identification des routes accidentogènes pourrait s'inspirer de la démarche entreprise par le département de la Haute-Saône, qui a déjà procédé à la détermination des routes départementales dont les caractéristiques pourraient justifier une réduction de vitesse, sur la base de sept paramètres techniques incluant notamment la largeur de la chaussée, la présence de zones de récupération et d'obstacles latéraux, la visibilité aux carrefours et dans les virages et la nature du trafic.

Une fois les routes concernées identifiées, la liste définitive en serait arrêtée en décembre 2018, pour une entrée en vigueur de la réduction de vitesse au 1er janvier 2019, soit six mois seulement après l'entrée en vigueur prévue par le Gouvernement. Six mois seulement, mais six mois qui changent tout, puisqu'ils permettront une véritable concertation locale. Pour une décision de cette importance, un report de six mois ne paraît pas déraisonnable...

Nous proposons enfin qu'un bilan de l'efficacité de la mesure soit dressé au bout de deux ans, en vue d'un éventuel ajustement. C'est d'ailleurs ce que le Président de la République a annoncé.

Lors de nos auditions, de nombreux acteurs nous ont alertés sur le risque que la politique de sécurité routière soit perçue sous un angle punitif, alors qu'elle devrait être conçue de façon à associer le plus grand nombre d'acteurs. Tel est le sens de notre proposition, qui est équilibrée.

En même temps que la baisse de la vitesse maximale, à laquelle nous ne sommes donc pas défavorables, il conviendrait de mettre en place des mesures contre l'usage du téléphone portable au volant - car ceux qui écrivent des textos en conduisant sont des malfaisants - et contre la consommation d'alcool et de drogues par les automobilistes. Plutôt que de pointer la seule vitesse, il faut agir sur tous les facteurs d'accidents !

Enfin, en matière de prévention, il nous paraît essentiel d'agir dès l'école primaire, pour que les enfants prennent conscience des dangers de la route.

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