Le nouveau programme de mobilisation contre les suicides présente plusieurs axes de travail. Certains dispositifs intéressants concernant les conditions de travail ont été repris du précédent plan, mais en suivant une logique nouvelle pour une meilleure appropriation localement : partir du terrain et de l'intervention pour remonter vers des politiques plus générales de signalement, de prise en charge, voire d'hospitalisation.
Nous avons revu notre politique de prévention pour mieux coller aux facteurs de risque, et nous nous appuyons sur la triste analyse des suicides constatés sur la base de rapports environnementaux. Nous nous interrogeons alors sur les raisons du passage à l'acte, non pas en mettant en avant tel ou tel critère, car il s'agit d'une conjonction de facteurs, mais pour essayer d'agir sur chaque facteur, comme la fragilité économique, le harcèlement, l'addiction ou les souffrances collectives.
Premier axe du plan: mieux répondre à l'urgence. Le précédent plan se fondait principalement sur des remontées hiérarchiques. Or, c'est plutôt les collègues qui savent que tel agent va mal, et ceux-ci ne savent pas nécessairement à qui se confier sans risquer de désarmer ledit collègue ou de le stigmatiser, ce qui est une préoccupation récurrente.
Pour mieux repérer au sein des collectifs de travail les agents traversant une crise suicidaire, on a souhaité conforter le dispositif d'alerte. On réfléchit à un dispositif de signalement plus structuré, afin de mieux inclure l'ensemble des professionnels de santé et de rappeler la conduite à tenir en cas d'urgence. Si vous êtes informé qu'une personne va passer à l'acte dans l'heure qui vient, il faut non pas appeler le SSPO, mais être en mesure d'appeler rapidement un service d'urgence et un service de police pour géolocaliser le portable de la personne concernée. Il importe donc de rappeler des consignes simples, opérationnelles et pratiques concernant la prise en charge de la crise suicidaire.
Deuxième axe : améliorer la prise en charge des agents à court terme dans le cadre d'une nouvelle instruction.
Un dispositif intéressant existe d'ores et déjà pour les agents traversant des périodes de fragilité, notamment le retour après une période de maladie. Dans les semaines qui précèdent ou qui suivent un arrêt maladie, une proportion importante de personnes passe à l'acte. Il convient de s'assurer qu'un soutien et un suivi de ces personnes sont mis en place, avec un réarmement progressif.
Troisième axe important, qui ne figurait dans les précédents plans : « la postvention » en cas de tentative de suicide ou de suicide.
Les tentatives de suicide sont toujours un sujet tabou : lorsque l'on attente à ses jours, on ne souhaite pas que cela soit connu des collègues ou du chef de service. Pourtant, statistiquement, cette personne a malheureusement beaucoup plus de risques de passer à l'acte qu'un autre de ses collègues.
Dès lors, on a décidé de mettre en place des protocoles d'intervention pour garantir la confidentialité de la personne qui se signale ou signale son collègue, avec l'organisation d'un suivi plus structuré. On va expérimenter des conventionnements avec certaines structures psychiatriques, car, à un moment donné, il faut savoir passer le relais à un psychiatre.
La postvention vise à prévenir le risque de contagion, l'effet dit Werther que l'on a pu constater dans certains commissariats ; je pense à ce qui s'est passé à Bergerac. Le suicide d'une personne va faciliter le passage à l'acte d'autres personnes fragiles. Aussi, il faut parler du suicide, mais pas trop ; il faut en parler d'une certaine manière : il faut débriefer et suivre les collègues dans le temps parce que la situation peut entraîner des traumatismes ultérieurs. Nous souhaitons mieux accompagner les familles endeuillées.
Quatrième axe : la prévention secondaire, à savoir prévenir plus efficacement les situations de fragilité. On retrouve là certaines des interrogations concernant les risques psychosociaux, même si ceux-ci englobent une problématique plus large. Toutes les personnes confrontées à des risques psychosociaux ne passent pas à l'acte.
Le plan repose sur la culture partagée de la prévention, en renforçant les formations relatives aux risques psychosociaux, les formations à la confrontation à la mort, à la charge émotionnelle du métier parce qu'il existe une corrélation évidente entre le quotidien et les stress post-traumatiques. L'enjeu consiste à mieux évaluer les personnes fragiles, en ciblant les personnels les plus fragilisés.
Le 1er avril prochain devrait être créée une mission d'accompagnement des blessés en service, qui inclut les blessés psychiques. En effet, la corrélation entre une blessure psychique non traitée et un éventuel passage à l'acte n'est plus à démontrer, même si la cause du suicide est souvent multiple.