Les suicides ont surtout lieu dans la gendarmerie départementale, avec plusieurs types de profils.
Souvent, les gendarmes visés, qui ne sont pas novices, sont confrontés à des problématiques familiales qui les déstabilisent. La cellule familiale peut être un facteur aggravant. La question de la garde d'enfants, par exemple, est un élément de complexification pour ce métier hors norme, avec des horaires atypiques et des contraintes inhérentes. Je suis prudent, mais c'est l'un des facteurs.
L'autre grande famille très sensible est celle des gendarmes adjoints volontaires, les jeunes sous contrat. Face à l'immaturité de la jeunesse, on se trouve face à ce que j'appelle « des suicides réflexes ». Il y a deux ans, un jeune de Guingamp a utilisé son arme de service contre lui durant les quelques minutes où le sous-officier en patrouille avec lui s'était absenté, après avoir appris sur son téléphone portable que sa petite amie le quittait. Dans ce cas, on ne peut rien faire.
La vie en caserne, qui peut être perçue comme une contrainte, contribue aussi, à mon sens, à une forme d'autocontrôle. Quand un collègue ne va pas bien, il n'est pas livré à lui-même.
Le chef de proximité en particulier connaît bien son personnel. D'autres capteurs potentiels de situation de détresse existent, telle la chaîne de concertation qui arrive aujourd'hui à maturité. De même, le réseau des psychologues cliniciens s'est densifié dans les régions. Enfin, n'oublions pas le corps médical. Hormis l'acte réflexe, tous ces éléments sont de nature à nous alerter et nous conduisent à accompagner au mieux la personne.
Si l'on fait un comparatif avec la société française, nous sommes dans la moyenne, alors que l'arme omniprésente pourrait faciliter le passage à l'acte. Néanmoins, nous ne saurions nous satisfaire de ce bilan. Nous devons faire oeuvre de sensibilisation sur cette question. Il n'y a pas de fausse pudeur. On ne juge personne ; on essaie d'aider. Les enquêtes identifient les causes pour étoffer le dispositif de prévention, notamment en accroissant le nombre de psychologues cliniciens, qui sont des officiers commissionnés recrutés sur dossier. Mais rien n'est acquis : les chiffres du début de cette année sont préoccupants, même s'ils ne sont pas prédictifs : l'an dernier, ils étaient bas à pareille époque.