Intervention de Jean-Luc Fichet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 avril 2018 à 8h40
Proposition de loi portant transposition de la directive ue 2016-943 du parlement européen et du conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention l'utilisation et la divulgation illicites — Examen des amendements au texte de la commission

Photo de Jean-Luc FichetJean-Luc Fichet, rapporteur :

Malgré les politiques mises en oeuvre au cours des dernières décennies, la route demeure la première cause de mort violente en France. Chaque année, environ 3 500 personnes meurent dans un accident de voiture, et 75 000 sont blessées, dont 28 000 grièvement. En 2016, la route a fait environ 10 morts et 79 blessés graves par jour.

Les facteurs accidentogènes sont multiples : pour 2016, on cite à titre de cause principale des accidents mortels la vitesse excessive ou inadaptée dans 31 % des cas, l'alcool dans 19 %, les stupéfiants dans 9 %. Par ailleurs, l'inattention du conducteur, liée notamment à l'usage du téléphone au volant, a été à l'origine d'un accident mortel sur dix.

Ce constat préoccupant appelle une politique publique forte de lutte contre l'insécurité routière.

Des étapes importantes ont été franchies par le passé, avec des résultats probants. La fixation de vitesses maximales autorisées, le port obligatoire de la ceinture et du casque, l'introduction du permis à points et, plus récemment, le renforcement des contrôles de la vitesse avec le déploiement des radars automatiques sont autant de mesures qui ont permis de mieux sécuriser nos routes. Entre 1970 et 2010, le nombre de morts a ainsi baissé de manière importante, passant de plus de 17 000 personnes tuées chaque année à moins de 4 000.

Toutefois, il semblerait que nous ayons aujourd'hui atteint un palier : malgré de nouvelles mesures, les chiffres de l'insécurité routière ont cessé de diminuer depuis 2013 et, même, certaines années, ils ont légèrement augmenté.

Pour répondre à cette inversion de tendance, le Premier ministre, Édouard Philippe, a dévoilé le 9 janvier dernier un nouveau plan de lutte contre l'insécurité routière, destiné à donner une nouvelle impulsion à la politique dans ce domaine et à refaire baisser la mortalité routière, pour atteindre moins de 2 000 morts sur les routes d'ici à 2020.

Ce plan, présenté à nos deux commissions par le délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe, comprend des mesures diverses visant aussi bien au renforcement de la prévention qu'au durcissement de la réglementation et des sanctions.

L'une d'elles a focalisé le débat public : l'abaissement de 90 à 80 kilomètres par heure de la vitesse maximale autorisée sur les routes à double sens sans séparateur central. Cette réduction, qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet prochain, concernerait une part importante du réseau routier secondaire, c'est-à-dire des routes départementales et nationales. Une clause de rendez-vous est prévue dans deux ans pour en évaluer l'efficacité. Selon le Gouvernement, 300 à 400 vies par an pourraient être épargnées.

Cette mesure, sans nul doute la plus forte du plan, est aussi celle qui a fait naître le plus de critiques. Son utilité et sa proportionnalité ont suscité et suscitent encore de nombreuses interrogations et incompréhensions, d'autant plus vives que le Gouvernement n'a pas procédé à une concertation préalable suffisante ni fourni d'éléments de nature à étayer sa décision. Selon une étude récente de l'assureur Axa Prévention, 76 % des Français y seraient opposés.

Or nous savons que l'efficacité d'une mesure repose en partie sur sa compréhension et son acceptabilité par la population, spécialement dans un domaine, la sécurité routière, où les comportements individuels jouent un rôle majeur.

C'est dans ce contexte que nos deux commissions ont décidé la création d'un groupe de travail pluraliste, dont nous vous présentons ce matin les conclusions.

Nous avons travaillé dans des délais contraints, afin de rendre nos conclusions avant la publication du décret de mise en oeuvre de la mesure de réduction de vitesse. L'essentiel de nos travaux a consisté à évaluer, sans a priori, l'utilité et l'efficacité de cette mesure, la plus contestée et la première à devoir entrer en vigueur.

Au cours des deux derniers mois, nous avons organisé une série d'auditions avec l'ensemble des parties prenantes : principaux acteurs de la sécurité routière, représentants d'élus locaux, usagers de la route, entre autres. Au total, 47 personnes ont été entendues, à l'occasion de 17 tables rondes et auditions.

Parallèlement, nous avons ouvert sur le site du Sénat un espace participatif, afin d'associer à la réflexion l'ensemble de la société civile. Le succès de cette plateforme est sans précédent, puisque, en quelques semaines, plus de 23 000 contributions de citoyens y ont été collectées. Dans l'ensemble, elles témoignent d'un rejet assez large de la mesure au sein de la société civile. S'il est difficile de généraliser ces conclusions - les personnes qui ont répondu étaient en majorité opposées à la mesure -, nous pouvons, en tout état de cause, y voir le signe d'une très forte mobilisation.

Avant que mes collègues rapporteurs ne vous présentent nos résultats et propositions, je tiens à préciser qu'un consensus s'est très naturellement dégagé entre nous : si réduire la mortalité sur les routes doit être une priorité, il est de notre devoir de parlementaires de nous assurer que les mesures prises sont pertinentes et proportionnées à l'objectif visé.

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