Intervention de Michel Raison

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 avril 2018 à 8h40
Proposition de loi portant transposition de la directive ue 2016-943 du parlement européen et du conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention l'utilisation et la divulgation illicites — Examen des amendements au texte de la commission

Photo de Michel RaisonMichel Raison, rapporteur :

Nous avons essayé de comprendre ce qui a pu motiver la décision du Gouvernement.

Voilà longtemps que les experts recommandent de baisser la vitesse à 80 kilomètres par heure ; Gilles de Robien, le ministre des transports qui a mis en oeuvre le plan Chirac, lui-même très hostile à la mesure, nous l'a bien expliqué.

En 2013, le Gouvernement s'est donné pour objectif de réduire le nombre de morts à 2 000 en 2020. Le comité des experts du Conseil national de la sécurité routière a alors planché et ressorti les vieilles études, y compris celles qui étaient un peu poussiéreuses. Ils ont envisagé deux hypothèses : réduire la vitesse à 80 kilomètres par heure sur une partie du réseau routier secondaire seulement ou sur l'ensemble des 400 000 kilomètres de ce réseau. Ils ont finalement proposé la seconde option, mais le ministre de l'intérieur de l'époque a retenu une expérimentation. C'est là que l'effervescence a commencé.

Ces experts se sont fondés sur un certain nombre de travaux dont il ressort que plus la vitesse est élevée, plus les accidents sont nombreux et graves... C'est une lapalissade : à 0 kilomètre par heure, il n'y aurait probablement plus de morts ! Il s'agit de savoir où l'on place le curseur pour que la limitation soit acceptée ; pour une mesure comme pour un médicament, il y a toute une dimension de psychologie.

Le ministre de l'intérieur qui a décidé l'expérimentation sur 86 kilomètres de routes avait expliqué qu'un dispositif d'évaluation permettrait de suivre l'évolution du comportement des automobilistes et de mesurer les effets de la réduction de vitesse. Cette expérimentation, promettait-il, serait « transparente, honnête, rigoureuse » : « c'est sur cette base que nous pourrons prendre, là où cela sera nécessaire, les décisions qui pourront s'imposer à tous, parce qu'elles seront comprises par tous et parce qu'elles résulteront de données tangibles et non de spéculations ou de pétitions de principe »...

Seulement voilà : quand nous avons commencé à nous inquiéter de ne pas voir les résultats de ces études et que, brutalement, le Premier ministre a mis en avant cette mesure parmi toutes celles du plan - ce qui a engendré le conflit -, nous nous sommes demandé sur quoi il avait pu se fonder. Des questions ont été posées au Gouvernement, à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Les réponses, infantilisantes, un peu violentes même, ont consisté à nous traiter d'inconscients par rapport à la sécurité routière. Les parlementaires, qui tous veulent qu'il y ait le moins de morts possible, en ont conçu un certain agacement. Sans compter que, lorsque nous avons essayé d'accéder aux études, on n'a pas voulu nous les communiquer.

Une de nos premières découvertes, assez étonnante, est que le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, le Cerema, n'avait pas mesuré l'accidentalité, mais seulement la vitesse. Quand on abaisse la limite et qu'on installe des radars, assez logiquement, la vitesse diminue... Au moins avons-nous appris de combien elle avait diminué : 4,7 kilomètres par heure. Peut-être cela leur permet-il de calculer le surplus des PV, puisqu'on sait qu'on dépasse plus la vitesse sur les tronçons à 80 kilomètres par heure que sur ceux à 90 kilomètres par heure...

En ce qui concerne l'accidentalité, nous avons tout de même fini par obtenir quelques données : M. Barbe nous a apporté, au mois de mars, un petit document de trois pages ou quatre. Mais nous n'avons guère approfondi, le Premier ministre nous ayant répondu que l'expérimentation était trop brève et les tronçons trop courts pour qu'on puisse se fonder sur ces résultats.

On n'en tire pas moins argument de ce que la mortalité a baissé. Elle a baissé, certes, de façon insignifiante - il est vrai que, sur un aussi faible kilométrage, l'analyse est difficile. Seulement, nous nous sommes aperçus que, sur la même période, elle avait moins baissé sur les routes soumises à l'expérimentation que sur les autres !

Ainsi donc, les autorités nous mentent, tout en prétendant être doublement honnêtes : les statistiques sont bonnes, disent-elles, mais nous ne nous en servons même pas, parce que la période de deux ans est trop courte...

L'expérimentation, dont les justifications étaient déjà factices, s'est donc avérée inconclusive et opaque.

À cela s'est ajouté un problème de forme. J'ai bien expliqué au Premier ministre qu'il ne s'agissait pas de l'offenser, et que sur un sujet aussi grave on ne faisait pas de politique politicienne. Je l'ai cependant senti très buté. Au demeurant, quand cinquante d'entre nous lui ont envoyé un courrier, il y a répondu avec une certaine langue de bois et en faisant sentir que nous ne l'intéressions pas beaucoup. Notre groupe de travail lui a à son tour écrit : il a répondu au bout d'un mois et complètement à côté de la question.

On nous explique que deux ans d'expérimentation n'ont pas de valeur statistique, ce qui est vrai - la sécurité routière, c'est un peu plus compliqué que le cours du blé. Mais pourquoi alors le Président de la République dit-il que, dans deux ans, on reviendra peut-être sur la mesure ? On se moque de nous !

Ce qui a aussi contribué à notre énervement, c'est qu'on ne propose rien de neuf en matière de prévention, ni moyens nouveaux pour ceux qui s'occupent de prévention.

La première mesure à prendre aurait été d'allouer une partie de l'argent des PV à la prévention. Au lieu de ça, on affecte le surplus des PV - parce qu'ils savent qu'il y en aura un - aux hôpitaux. Le financement des hôpitaux relève de l'État, des assurances, mais pas de la sécurité routière ! Mieux vaut essayer d'agir en amont des accidents, au niveau de la prévention. Sans compter qu'organiser une conférence de presse au milieu des fauteuils roulants n'est pas très correct - cela aussi m'a un peu énervé.

Telles sont, mes chers collègues, nos tentatives pour comprendre les raisons qui ont motivé la décision du Gouvernement. Je laisse à Michèle Vullien le soin de vous exposer nos conclusions.

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