Vous avez dressé un tableau gris foncé, pour ne pas dire noir, de la police nationale, que je ne partage pas totalement, même si des questions restent en suspens et des améliorations sont souhaitables.
Je suis commissaire de police depuis 1978 : j'ai connu toutes les périodes que vous avez évoquées. Je suis en charge de la direction centrale de la sécurité publique depuis un peu plus de cinq ans, ce qui m'a permis de vivre les derniers épisodes dramatiques au plan de la sécurité et les périodes compliquées en matière de management des services.
Ma direction recouvre l'ensemble des commissariats de police de métropole et d'outre-mer, hormis Paris et la petite couronne, soit 307 circonscriptions de police et un peu plus de 700 points d'accueil du public dont 300 sont ouverts jour et nuit. Nous sommes en première ligne sur l'ensemble des sujets qui préoccupent la sécurité de nos concitoyens puisque les policiers de la sécurité publique sont les premiers intervenants. Nous traitons un peu plus de 10 millions d'appels « 17 » par an, ce qui engendre 2,2 millions d'interventions de la police secours en urgence, soit une intervention toute les dix ou douze secondes.
Nous sommes concentrés sur les zones urbaines, les villes et les agglomérations : nous couvrons un peu moins de 50 % de la population et nous traitons un peu plus de 50 % des crimes et délits au niveau national.
Mon administration centrale a pour mission d'établir les doctrines ainsi que les principes d'organisation et de les faire respecter. Elle prend aussi le relais des directives du ministre de l'intérieur en matière de sécurité publique et elle établit les principes de coopération avec les autres forces de sécurité.
Nous disposons d'une sous-direction des ressources humaines pour répartir les moyens humains et logistiques qui nous sont attribués, à partir d'une évaluation de la charge de travail des circonscriptions. Depuis quatre ans, nous menons des audits internes d'appui au management afin de nous assurer du bon fonctionnement de nos services mais également d'apporter un appui aux directeurs départementaux et aux chefs de circonscription.
Le deuxième volet de la mission centrale est plus opérationnel : il s'agit du service central du renseignement territorial. Cette mission de renseignement a été connectée à la sécurité publique lors de la réforme du 1er juillet 2008. En mai 2014, ce rattachement a été confirmé.
Au plan territorial, nous avons 99 directions départementales ou directions de la sécurité publique, pour certains outre-mer, coordonnées par des directions départementales de coordination zonale implantées dans les chefs-lieux de zones de défense et qui font l'interface entre la mission centrale et les autres directions départementales. Ces dernières proposent des missions d'appui opérationnel, par projection de forces, mais aussi d'appui technique ou de soutien en termes de formation.
Cette administration centrale regroupe près de 68 000 personnes de tous corps et de tous grades.
Vous avez raison de dire que les policiers des commissariats ont beaucoup souffert : jusqu'en 2012, les effectifs diminuaient alors que les missions restaient identiques. Dans ma direction, cette décroissance du nombre de policiers généralistes a perduré jusqu'en 2017, alors même qu'à partir de 2015, nous devions participer au dispositif de lutte contre le terrorisme et de protection des points sensibles. En parallèle, les policiers se sentaient eux-mêmes en insécurité du fait de l'augmentation des violences exercées à leur encontre et de l'assassinat de deux de leurs collègues à Magnanville. Ce drame a eu des conséquences directes sur les familles qui ont pris conscience de la dangerosité de ce métier.
De nombreux services travaillant 24 heures sur 24, les policiers ne se rencontrent pas tous, d'où parfois le sentiment d'isolement. Contrairement aux gendarmes, nous n'avons pas de vie collective en dehors de l'exercice de la fonction, ce qui explique en partie un certain individualisme. La chaine hiérarchique est sans doute perfectible, car elle est constituée de trois corps : les gradés des gardiens de la paix, les officiers de police et les commissaires. Malgré nos récents efforts de formation et de promotion, nous avons encore des progrès à accomplir pour que chaque membre soit bien à sa place dans une structure hiérarchique reconnue de tous.