Intervention de Stéphane Carcillo

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 avril 2018 à 9h30
Réforme de l'assurance chômage — Audition de Mm. Bruno Coquet et stéphane carcillo

Stéphane Carcillo, économiste :

La division que je dirige à l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) produit des données de comparaison internationale qui viennent légèrement contrebalancer le portrait extrêmement positif que Bruno Coquet vient de brosser de l'assurance chômage française.

Les comparaisons sur le taux de remplacement montrent que notre système figure parmi les plus généreux des pays de l'OCDE, notamment pendant la première année d'indemnisation. Même en tenant compte des allocations logement et des prestations sociales, la France reste dans le peloton de tête, y compris pour une durée de chômage de 5 ans. Pour la première année d'indemnisation, seuls la Norvège, les Pays-Bas et le Danemark font un peu mieux, mais ces pays ne plaisantent pas avec la recherche d'emplois : les contrôles y sont stricts et les sanctions crédibles.

De très nombreuses recherches montrent que le comportement des chômeurs est très sensible à la durée d'indemnisation et au taux de remplacement. Un relèvement d'un mois de la durée maximale d'indemnisation allonge ainsi la durée du chômage d'une semaine et une augmentation d'un point du montant des allocations allonge cette durée de 0,5 à 1,5 point.

En France, la durée maximale d'indemnisation et le taux de remplacement figurent parmi les plus élevés des pays de l'OCDE. À l'inverse, le contrôle des chômeurs y est minimal.

Le modèle français est également très spécifique à l'égard des contrats courts. Dans les autres pays, on ne peut pas renouveler indéfiniment ses droits à l'assurance chômage en alternant emploi et indemnisation ou en cumulant les deux. L'exercice est généralement limité dans le temps pour éviter la « permittence » qui désigne le fait d'occuper de manière permanente des emplois précaires. Depuis les réformes évoquées par Bruno Coquet, on a créé en France un système assez unique dans lequel on subventionne fortement les contrats courts, au bénéfice de certains employeurs, mais aussi de certains salariés qui travaillent par intermittence pour les mêmes employeurs. L'Unédic estime qu'environ 800 000 chômeurs sont dans une situation de « permittence » depuis plus de 5 ans, ce qui contribue à renchérir le coût de l'assurance chômage et à gonfler les chiffres du chômage.

La dernière spécificité du système français tient au montant maximal d'indemnisation - 6 000 euros par mois. Dans la plupart des pays de l'OCDE, l'indemnisation maximale est de 50 % du salaire moyen, soit 1 000 euros environ. Au Danemark, l'indemnisation maximale est de 2 000 euros. Certes, peu de gens sont indemnisés au montant maximal, mais cela renforce l'idée que le système français est purement assurantiel.

Cela étant, je ne milite pas pour abaisser tous les curseurs. On a besoin d'une assurance chômage protectrice, mais les éléments de générosité ne doivent pas désinciter le retour à l'emploi. Les pays dont les systèmes se rapprochent du nôtre opèrent des contrôles plus stricts et ne tolèrent pas la « permittence ».

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