Intervention de Bruno Coquet

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 avril 2018 à 9h30
Réforme de l'assurance chômage — Audition de Mm. Bruno Coquet et stéphane carcillo

Bruno Coquet, économiste :

Stéphane Carcillo et moi-même analysons en effet différemment les mêmes données. C'est pourquoi je plaide pour la création d'un conseil d'orientation de l'assurance chômage, sur le modèle du COR. On pourrait ainsi mettre les données à plat, confronter les points de vue des chercheurs et des praticiens et avoir plus d'analyses économiques et comptables. Ces sujets méritent d'être discutés ailleurs que dans la presse.

On manque aussi de données sur l'assurance chômage. Le compte de l'Unédic tient en 17 lignes. Pour une institution qui gère 40 milliards d'euros par an - autant que le chiffre d'affaires d'entreprises comme Saint-Gobain ou Bouygues -, c'est peu et cela explique beaucoup de malentendus.

Les chiffres sur les allocataires qui travaillent en contrats courts ne sont pas publiés régulièrement. C'est pourquoi je ne peux pas savoir, par exemple, combien de temps un assuré bénéficiant d'une durée d'indemnisation de 15 mois reste au chômage en moyenne par rapport à un assuré ayant une durée d'indemnisation différente.

Une très bonne étude de l'OCDE publiée voilà deux ans montre que la perte de salaire est en moyenne de 20 % en France pour les chômeurs, ce qui ne témoigne pas d'une générosité extraordinaire de l'assurance chômage.

L'Unédic a pris en charge de façon assez peu transparente des dépenses qui auraient dû être financées par le budget de l'État. Tout le monde ayant accès au service public de l'emploi, il devrait logiquement être financé principalement par l'impôt, d'autant qu'il s'occupe assez peu des chômeurs indemnisés, relativement proches du marché du travail. Le coût marginal d'utilisation de ce service, disponible sur le site de Pôle emploi, est de 82 euros par inscription puis de 6,67 euros par mois d'inscription.

À mes yeux, l'Unédic ne peut pas rembourser sa dette. Il faudrait diminuer de 50 % les droits potentiels pour dégager 5 à 7 milliards d'euros d'excédents par an et espérer pouvoir rembourser la dette. Ce n'est guère possible sans spolier les assurés et cela aurait pour conséquence de définir des règles sous-optimales, non souhaitables pour le marché du travail. Cette réalité pèse sur toute négociation aujourd'hui, dont le préalable est précisément le remboursement de la dette.

On peut déplorer que de très nombreux chômeurs reprennent une activité réduite. Une assurance fait bien son travail quand elle complète des emplois courts sur l'année. Elle ne le fait plus lorsqu'elle apporte durablement des compléments de revenus, c'est-à-dire qu'elle subventionne les employeurs de certains secteurs qui abusent des emplois courts. Il me semble dès lors optimal de taxer les emplois courts, qui coûtent cher à l'assurance chômage.

Les gestionnaires ne sauraient conclure des études disponibles que l'assurance entraîne de l'aléa moral : en France, 3 millions de chômeurs, la plupart indemnisés, acceptent des emplois qui ne correspondent pas à leurs attentes. Preuve qu'ils ne se satisfont pas de l'assurance chômage.

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