Intervention de Bruno Coquet

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 avril 2018 à 9h30
Réforme de l'assurance chômage — Audition de Mm. Bruno Coquet et stéphane carcillo

Bruno Coquet, économiste :

Pour calculer le secteur public au sens large, j'ai soustrait le nombre de cotisants à l'Unédic du total des salariés qui figure dans les statistiques de l'Insee. Tous ceux qui ne cotisent pas dépendent d'employeurs qui n'ont pas l'obligation de cotiser. Sur les 6 millions de salariés ainsi recensés, 60 % appartiennent aux trois fonctions publiques. Les autres peuvent appartenir à des sociétés publiques privatisées, avec des salariés sous statut et d'autres hors statut. Ces entreprises ne cotisent alors que pour la catégorie hors statut. Ainsi en est-il chez GDF, privatisée en 2010. Il est curieux que cette distorsion de concurrence entre entreprises d'un même secteur ne soit pas dénoncée par Bruxelles.

Comme ces salariés sont en auto-assurance, on ne sait qui prend en charge les contrats courts : il est impossible d'identifier le flux des employeurs publics qui y ont recours. Le rapport annuel de la fonction publique retrace le flux sortant de paiement par l'État qui concerne essentiellement d'anciens militaires du contingent. En revanche, Pôle emploi ne dispose d'aucun chiffre sur les flux entrants. On ne sait donc où se trouvent exactement plusieurs centaines de milliers de chômeurs. Il arrive que les employeurs publics recrutent en contrat court des personnes ayant travaillé auparavant dans le secteur privé afin de les faire indemniser par l'Unédic en fin de contrat... Un rapport de l'Inspection générale de la ville de Paris de 2010 a évalué l'opportunité d'affilier à l'assurance chômage certaines catégories de salariés. Selon la théorie économique, il s'agit alors de sélection adverse : on n'affilie que lorsqu'on est sûr d'en tirer un avantage. Il faut sortir de cette logique au nom de l'équité, de l'efficacité économique et de la réduction du coût du travail.

Les partenaires sociaux ont décidé qu'un actif sur six dans le secteur marchand était pris en charge par les autres. Cet acquis social est colossal et il est rendu possible par le paiement de cotisations sur des salaires très élevés, ce qui ne se fait pas dans d'autres pays. Le plafond de cotisation en Allemagne est deux fois moins élevé qu'en France ; aux États-Unis, il se monte à 7 000 dollars annuels.

Si l'on supprime ou si l'on réduit les prestations des cotisants, la protestation sera immédiate car l'assurance chômage est un substitut d'épargne de précaution. Les salariés demanderont à récupérer leur capacité d'épargne, c'est-à-dire ce qu'ils versent aujourd'hui à la solidarité.

Quant aux personnes en situation d'exclusion, l'assurance chômage n'a pas à mener de politique sociale qui risquerait de la déséquilibrer. Il revient à l'État de s'en charger.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion