Intervention de Bruno Coquet

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 avril 2018 à 9h30
Réforme de l'assurance chômage — Audition de Mm. Bruno Coquet et stéphane carcillo

Bruno Coquet, économiste :

J'utilise toujours le mot générosité entre guillemets car ce terme est en effet inapproprié. Le gestionnaire doit rechercher le bon niveau d'indemnisation. L'assurance chômage doit avoir un seul but, celui de stabiliser le revenu des salariés involontairement privés d'emploi.

Pour ce qui est du financement du service public de l'emploi, je ne me suis pas livré à des comparaisons systématiques avec les pays étrangers, mais aucun système à l'étranger n'est financé par une taxe sur les chômeurs indemnisés, à ma connaissance.

La Belgique a été l'un des premiers pays à instaurer l'assurance chômage avec le système gantois : la ville de Gand avait incité les partenaires sociaux à se mettre d'accord en leur promettant le versement d'une subvention de 30 % en cas d'accord. Aujourd'hui, l'État s'est substitué à la ville de Gand, mais la logique reste la même. En Belgique, le service public de l'emploi est financé par le budget, et non par une taxe sur les chômeurs. En France, les chômeurs en activité réduite ne sont pas suivis par Pôle emploi, comme l'indique l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Le problème des contrats courts, ce n'est pas leur existence, car ils permettent de faire face à des surcroîts temporaires d'activité, mais leur excès.

Contrairement à ce que disait M. Carcillo, si les partenaires sociaux sont d'accord pour indemniser indéfiniment des salariés en contrats courts, je ne vois pas où est le problème.

Aux États-Unis, les entreprises ont créé l'assurance chômage, car elles voulaient conserver leur main d'oeuvre lorsque les commandes baissaient. Mais il s'agit de chômage partiel financé par la taxation de ceux qui y ont recours. Cela permet d'éviter les distorsions de concurrence.

Les partenaires sociaux doivent se mettre d'accord sur le périmètre de l'assurance.

Depuis 12 ans, je prône une taxation dégressive sur les contrats courts : le premier mois serait taxé à 12 %, le deuxième mois 11 %... En contrepartie, la taxation des contrats longs diminuerait, ce qui impliquerait une baisse générale du coût du travail.

La franchise concernerait les petites entreprises en croissance, afin de ne pas pénaliser leur développement. Dans mon dernier article, j'ai démontré qu'avec des franchises de 1 000 euros par an, montant particulièrement modeste, les petites entreprises seraient exonérées, tandis que les autres seraient taxées.

La taxation des contrats courts pose néanmoins certains problèmes. Si des donneurs d'ordre localisent leurs contrats courts chez des sous-traitants, les coûts de production vont augmenter chez ces derniers, d'où un risque de délocalisation. Néanmoins, un assureur doit taxer ce qui lui coûte cher.

En France, l'indemnité moyenne versée à un chômeur se monte à environ 1 000 euros, comme en Finlande ou en Norvège. L'hétérogénéité est cependant très forte dans notre pays, notamment parce que beaucoup de chômeurs travaillent et perçoivent, à ce titre, une indemnité réduite. Cette indemnité moyenne est assez proche d'un Smic net, alors que le salaire moyen est proche de 2 000 euros. Le taux de remplacement est donc largement inférieur à 100 %, ce qui est parfaitement normal, car l'incitation à la reprise de l'emploi doit persister.

Ne prétendons pas que les chômeurs se complaisent dans cette situation. Il n'en faut pas moins sanctionner les fraudeurs. Les conditions d'attribution des indemnités par les caisses syndicales étaient bien plus draconiennes au XIXème siècle. En outre, il s'agissait de caisses par métiers : les confrères payant les allocations chômage, il n'était pas possible de prétendre que la situation était bien différente d'une entreprise à l'autre. Les obligations de reprise d'emploi étaient strictes.

Les Français ne sont majoritairement pas des fraudeurs. Mais nous connaissons tous au moins une personne qui profite du système ! Les salariés sont des assurés et ils doivent être traités comme tels. Il est statistiquement prouvé que lorsque la durée et le montant de l'indemnisation augmentent, les gens restent plus longtemps au chômage. Pourtant, l'assurance chômage doit leur permettre de trouver un emploi correspondant à leurs compétences. Il convient donc d'accorder des indemnités suffisamment élevées pendant une durée appropriée. Dans le cas contraire, il faut permettre aux salariés de pouvoir épargner auparavant, ce qui n'est pas prévu aujourd'hui.

En 1984, le revenu minimum d'insertion (RMI) est créé, auquel succèdera le revenu de solidarité active (RSA) sous conditions de ressources, mais une assurance ne doit jamais avoir recours à de telles conditions. En termes de taux de pauvreté, la France et l'Allemagne sont proches.

Vous avez cité la viticulture avec la difficulté de recruter des tractoristes. Il s'agit là de formation professionnelle. Si une entreprise a besoin de salariés formés, elle doit le faire et incorporer cette formation dans ses coûts de production. Avec le chômage de masse, nous avons pris l'habitude de voir l'État payer les formations. Les entreprises auraient tort de refuser ! Si l'on doit former des salariés, c'est au client de payer cette formation et pas aux salariés des autres branches avec leurs cotisations.

J'ai écrit un article sur l'extension de l'assurance chômage aux démissionnaires en indiquant qu'il s'agissait d'une bonne affaire pour l'Unedic, même si cette mesure remet en cause la philosophie du régime puisqu'il ne s'agit pas de personnes involontairement privées d'emploi. Aujourd'hui, l'assurance chômage indemnise déjà certains démissionnaires. À l'issue d'un délai de carence de quatre mois, ils sont réintégrés dans le régime. Le président de la République a proposé d'indemniser les personnes qui ont projet mais qui ne peuvent financièrement sauter le pas. Si un salarié démissionne de son emploi, c'est parce que son employeur ne veut pas qu'il parte, sinon il procèderait à un licenciement ou proposerait une rupture conventionnelle. Dans la plupart des cas, ces personnes seront remplacées et les chiffres du chômage n'augmenteront pas. Ces personnes ont un projet qui lèvera une contrainte d'offre : lorsque le projet aboutira, un emploi supplémentaire sera créé, qui rapportera à l'Unedic. Même avec des hypothèses pessimistes - un remplacement sur deux et un projet abouti sur deux - l'Unedic bénéficierait de plus de recettes que de dépenses au bout de trois ans. Dès lors que quelques précautions seront prises sur les délais de carence, par exemple, le dispositif sera gagnant pour l'Unedic, même sans condition d'ancienneté pour les démissionnaires. Compte tenu des critères qui devraient être retenus, on estime que 40 000 personnes pourraient y avoir recours.

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