Intervention de Jean Bizet

Réunion du 9 mai 2018 à 14h30
L'union européenne face aux défis de la sécurité des migrations et des frontières — Débat organisé à la demande de la commission des affaires européennes

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis de vous retrouver en ce 9 mai, journée européenne. Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont pu se mobiliser en cette période riche en jours fériés.

Dans un contexte international instable, nos concitoyens attendent de l’Union européenne qu’elle contribue à assurer leur protection effective. La première des questions concerne bien évidemment les défis posés à l’Union en matière de sécurité, de migrations et de gestion des frontières.

Si la sécurité intérieure demeure de la compétence des États membres, l’Union européenne peut aussi apporter sa plus-value. Nous l’avons rappelé ici même, juste après les dramatiques attentats de janvier 2015. Nos propositions avaient été partagées par nos collègues de plusieurs États membres, également durement touchés par le terrorisme, lors d’une réunion interparlementaire tenue au Sénat sous la présidence de Gérard Larcher. Où en est-on aujourd’hui ?

Prenons acte des avancées dont nous pouvons nous féliciter. Je pense notamment au doublement du budget d’EUROPOL dans une conjoncture budgétaire plutôt contrainte, au niveau tant national que communautaire, et à la mise en place d’un groupe de contrôle parlementaire conjoint dans lequel Sophie Joissains et Jacques Bigot nous représentent.

EUROPOL s’est doté d’un centre européen de lutte contre le terrorisme – je salue d’ailleurs l’opération de grande envergure annoncée par l’agence qui a permis de démanteler, le 26 avril dernier, des outils de propagande de Daech.

EUROPOL s’investit aussi beaucoup dans les échanges d’informations, notamment grâce à son système SIENA, ou Secure Information Exchange Network Application, qui peut délivrer plus d’un million d’informations et compte plus d’un million de données.

Si tout cela est extrêmement positif, nous devons aussi être conscients que des difficultés demeurent : 85 % des données qui parviennent à EUROPOL émanent de cinq États seulement, dont la France. Comment expliquer l’inertie des autres États membres? Madame la ministre, peut-on escompter des progrès dans ce domaine ? Avez-vous des échanges avec vos homologues européens sur ce point précis ?

Nous avons aussi besoin d’un parquet européen compétent pour lutter contre le terrorisme et la criminalité. Il s’agit d’une demande récurrente du Sénat. La France l’a proposé. Peut-on espérer une évolution positive de ce dossier ?

Le PNR, ou Passenger Name Record, européen est seul de nature à assurer une coordination efficace des PNR nationaux, mais encore faut-il que ces derniers soient mis en place. Or beaucoup d’États membres ont pris du retard. Où en est-on aujourd’hui ?

La cybercriminalité représente une menace croissante. Les dommages ne sont pas seulement économiques, mais aussi politiques. EUROPOL s’est doté d’un centre de lutte contre la cybercriminalité. Il est souhaitable que chacun des États membres en fasse autant d’ici à 2019. La France dispose déjà d’une Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI.

L’Union européenne doit également contribuer davantage à la sécurité extérieure. En combattant les groupes terroristes au Sahel, nos soldats engagés dans l’opération Barkhane défendent l’ensemble de l’Europe. Le président Larcher leur a témoigné directement le soutien du Sénat lors de sa récente visite au Tchad et au Niger. Nous sommes en droit d’attendre un soutien plus important de nos partenaires européens.

Nous devons progresser vers une Europe de la défense, complémentaire de l’OTAN. Nous devons aller vers une mutualisation des moyens, vers une interopérabilité, vers une action commune en matière de recherche et de développement et vers un rapprochement de nos industries de défense.

C’est pourquoi nous appuyons le lancement d’une coopération structurée permanente entre vingt-cinq États membres, la mise en place d’un « fonds européen de défense » et celle d’un « Schengen militaire ».

La Commission européenne propose aussi, pour la prochaine programmation budgétaire, un effort significatif avec un fonds de défense doté de 13 milliards d’euros afin de compléter les dépenses nationales en matière de recherche et de développement des capacités.

Il nous semble nécessaire d’aller beaucoup plus loin sur le volet opérationnel. Les Européens doivent conduire ensemble des opérations militaires. À cet égard, madame la ministre, pouvez-vous nous donner des précisions sur le projet de force d’intervention européenne que la France vient de présenter, avec le soutien du Royaume-Uni, à ses partenaires européens ? J’aurai l’occasion de le redire : au-delà de la problématique du Brexit, la présence à nos côtés de nos voisins britanniques, grands professionnels en matière militaire, est essentielle.

Le défi migratoire est un autre sujet de préoccupation de nos concitoyens. Ils attendent des réponses de l’Union européenne. Il faut impérativement assurer la protection des frontières extérieures.

Face à l’ampleur du défi, nous assistons enfin à une prise de conscience – certes tardive – de l’Union qui s’est traduite par le renforcement des moyens budgétaires et humains de l’agence FRONTEX.

La Commission européenne propose une augmentation significative de l’enveloppe allouée aux migrations et à la gestion des frontières en la multipliant par 2, 6 pour atteindre 21, 3 milliards d’euros.

Les moyens de FRONTEX seraient également augmentés, l’objectif étant de porter les effectifs du corps de gardes-frontières à 10 000 hommes d’ici à 2027.

Le Fonds asile, migrations et intégration serait aussi renforcé à hauteur de 10, 4 milliards d’euros. Tout cela va dans le bon sens. Le Gouvernement est-il prêt à soutenir ces propositions ?

Nous devons aussi nous interroger sur le cadre juridique dans lequel FRONTEX conduit son action. Qu’en est-il de l’accès aux bases de données, instrument indispensable pour que cette action soit opérationnelle ? Qu’en est-il de la possibilité pour l’agence d’intervenir de façon quasi automatique dans un État qui serait défaillant pour assurer la protection effective de sa portion de frontière extérieure ? Qu’en est-il des procédures de retour groupé ?

La refonte du système d’asile est un autre enjeu majeur. Les discussions se poursuivent au Conseil sur la réforme du règlement dit de Dublin qui précise les responsabilités des États membres dans le traitement des demandes d’asile.

La question des relocalisations est particulièrement délicate. Elle a suscité de vives controverses entre États membres. C’est la solidarité européenne qui est en jeu. Un compromis est-il envisageable ? Nous souhaiterions connaître votre analyse sur ce point, madame la ministre.

Il faut aussi avancer dans la coopération avec les pays d’origine et de transit et avoir un plan ambitieux pour le développement de l’Afrique qui conditionne notre sécurité et la régulation des flux migratoires.

J’ai relu le discours prononcé par Robert Schuman le 9 mai 1950, voilà soixante-huit ans jour pour jour, dans le salon de l’Horloge du Quai d’Orsay. Il évoquait déjà un plan d’investissement pour l’Afrique, repris quelques décennies plus tard par le président Nicolas Sarkozy lors de la création de l’Union pour la Méditerranée.

Je regrette que ce plan n’ait pas rencontré les échos souhaités chez nos partenaires européens, notamment en Allemagne. Si nous avions pu le mettre en œuvre, nous serions sans doute dans une situation un peu moins difficile.

Nous nous sommes « rattrapés » lors du sommet de La Valette, en novembre 2015, en jetant les bases d’un partenariat global sur la question migratoire avec les pays d’origine et de transit africains. Quel bilan peut-on tirer des engagements conclus lors de ce sommet ?

Plus que jamais, nous avons besoin d’une approche globale européenne qui combine et articule les différentes politiques.

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