Intervention de Nathalie Loiseau

Réunion du 9 mai 2018 à 14h30
L'union européenne face aux défis de la sécurité des migrations et des frontières — Débat organisé à la demande de la commission des affaires européennes

Nathalie Loiseau :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de vous retrouver en cette journée de l’Europe pour cet échange sur les questions de sécurité, de migrations et de frontières.

Ces questions sont une priorité du Gouvernement et de la Commission européenne. La proposition de cadre financier pluriannuel 2021-2027 que la Commission vient de rendre publique prévoit justement, comme nous le souhaitions, un effort financier fortement accru sur les questions de sécurité, de migrations et de frontières.

Vous l’avez souligné à l’instant, monsieur le président, les fonds prévus ont été multipliés par 2, 6 en matière de migrations et de frontières et par 1, 8 en matière de sécurité intérieure.

Les moyens alloués à FRONTEX seraient également augmentés afin de permettre au corps de gardes-frontières et de gardes-côtes d’atteindre un effectif de 10 000 hommes d’ici à 2027.

Nous soutenons ces orientations encourageantes pour un projet de budget qui, selon la Commission, « protège, permet d’agir et défend ».

S’agissant de la sécurité, l’Union européenne reste très mobilisée face à la menace terroriste, comme le montrent les nombreux chantiers législatifs engagés pour mieux contrôler l’espace européen.

L’urgence est donc maintenant de mettre pleinement en œuvre l’ensemble des mesures prises et de les généraliser. Je pense d’abord à cette avancée majeure qu’est le PNR européen, qui doit être transposé dans tous les pays d’ici au 25 mai prochain. Vous avez justement souligné, monsieur le président, un degré de préparation inégal selon les États membres, raison pour laquelle nous avons proposé et mis en place des coopérations bilatérales avec certains d’entre eux pour faciliter cette transposition.

Nous mettons également la pression sur la Commission et sur nos partenaires pour que le système d’entrées-sorties prévu pour les ressortissants des États tiers puisse être rapidement élargi aux ressortissants européens.

Nous poursuivons la lutte contre le financement du terrorisme. Nous allons agir avec la Commission pour mieux contrôler les substances pouvant servir à confectionner des explosifs et mieux sécuriser les documents officiels.

Par ailleurs, il est fondamental de mieux lutter contre la radicalisation sur internet. Nous encourageons la Commission à aller au-delà d’une approche centrée sur la contribution volontaire des acteurs du numérique à une autorégulation et à prévoir la mise en place de moyens contraignants pour améliorer la détection automatique et la suppression des contenus illégaux.

S’agissant des outils européens dont nous disposons, vous avez évoqué la mise en place du parquet européen que nous avons soutenue depuis le début. Nous appuyons l’idée d’élargir sa compétence, au-delà des questions financières, à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontalière et au terrorisme. La Commission, je le crois, nous entend.

Un mot enfin sur EUROPOL, qui joue un rôle irremplaçable pour le partage des informations. Ses compétences peuvent être utilisées de façon offensive, comme fin avril – vous l’avez rappelé, monsieur le président – contre les outils de propagande de Daech. Nous devons y avoir pleinement recours.

Pour y jouer tout notre rôle, nous devons d’ailleurs veiller à y renforcer notre présence. J’ai eu de premiers échanges sur ces sujets avec la nouvelle directrice exécutive d’EUROPOL, Catherine de Bolle, avant même sa prise de fonctions.

Enfin, je ne fais que le mentionner, mais peut-être y reviendrons-nous au cours du débat, gardons à l’esprit le développement de l’Europe de la défense, et en particulier le programme de développement de l’industrie de défense, précurseur du futur Fonds européen de défense en cours d’adoption et qui constitue une avancée majeure.

Vous m’avez interrogée sur l’initiative européenne d’intervention. Ce projet que nous portons, et que le Président de la République avait annoncé dès le discours de la Sorbonne, est en voie d’adoption. Une réunion aura lieu avec les États intéressés en juin prochain, à Paris.

Il s’agit de compléter les possibilités offertes par la coopération structurée permanente en matière de mutualisation par un travail sur nos capacités opérationnelles. Nous voulons pouvoir mieux programmer, mieux planifier, mieux partager nos évaluations sur la nature de la menace et sur la connaissance des théâtres autour des capacités françaises avec des pays membres de l’Union européenne, avec certains qui ne le sont pas ou qui bientôt ne le seront malheureusement plus, mais souhaitent continuer à travailler avec nous. Nous travaillons à l’articulation d’une partie de l’initiative européenne d’intervention avec la coopération structurée permanente.

J’en viens aux questions de migrations et de frontières. Le Gouvernement vous rejoint, monsieur le président, pour souligner toute l’importance du nouveau corps européen de gardes-frontières et gardes-côtes qui dispose de capacités nouvelles pour appuyer les États membres, qu’il s’agisse d’analyser les vulnérabilités des frontières externes, de participer à des reconduites à la frontière, ou d’agir en urgence, en cas de défaillance, à la demande du Conseil et avec l’accord de l’État membre concerné qui y a tout intérêt.

La Commission propose, dans son projet de cadre financier pluriannuel, de porter le nombre de gardes-frontières et de gardes-côtes mobilisable au sein de la réserve d’intervention de 1 500 – dont 170 Français – à 10 000 hommes, ce qui va au-delà des 5 000 hommes que nous avions retenus dans nos évaluations des besoins.

Certains de nos partenaires paraissent relativement mal à l’aise avec cette partie précise de la proposition ambitieuse de la Commission et souhaiteraient plutôt un soutien accru aux gardes-côtes et aux gardes-frontières de chacun des États membres. Nous allons examiner cela en détail.

Sur le plan interne – je pense à Schengen –, nous avons besoin de faciliter la possibilité de réintroduction des contrôles aux frontières internes lorsque le besoin s’en fait sentir, en particulier en raison de la menace terroriste.

Bien évidemment, une politique migratoire européenne ne peut réussir sans un partenariat renforcé avec les pays d’origine et de transit, en particulier en Afrique. La France a montré le chemin depuis le sommet restreint organisé à Versailles sur ce sujet en août 2017.

Nous nous sommes dotés de moyens importants avec le Fonds fiduciaire d’urgence qu’il faut réabonder.

Nous avons également mis en œuvre un dialogue migratoire plus exigeant s’agissant des migrations économiques illégales et mis en place des dispositifs permettant de mieux protéger ceux qui peuvent prétendre au bénéfice de l’asile en veillant à éviter qu’ils ne risquent leur vie sur la route, en Libye comme en Méditerranée.

Enfin, nous souhaitons que le Conseil européen de juin prochain permette de marquer des progrès sur la réforme du régime européen de l’asile. Les discussions restent très difficiles sur la révision du règlement de Dublin, en l’absence, qui plus est, d’un gouvernement italien de plein exercice.

Nous soutenons les efforts de la présidence bulgare pour parvenir à la fois à un plus haut niveau de responsabilité des pays de première entrée, notamment dans le temps, et à un plus haut niveau de solidarité en encourageant des relocalisations volontaires en cas de crise et, si la situation est grave, en prévoyant un mécanisme automatique et contraignant de relocalisation. Nous y travaillons notamment avec nos partenaires allemands dans la perspective du Conseil européen de juin prochain.

Je serai heureuse d’aborder ces points plus en détail, ainsi que les aspects que je n’ai pu évoquer, en répondant à vos questions.

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