Monsieur le président, je me réjouis tout d’abord de la qualité de nos échanges. Je remercie Mme la ministre de s’être prêtée au jeu des questions-réponses. Je salue la présence de nombre de nos collègues en cette journée de l’Europe, placée cette année entre deux ponts.
Notre collègue Roger Karoutchi a tout à fait raison de se désoler du temps européen, qui est très long, trop long. Le temps européen est celui des alliances, des accords et des votes à la majorité, à la majorité qualifiée, voire à l’unanimité des Vingt-Sept. Aujourd’hui, le temps politique et géostratégique est beaucoup trop long par rapport au temps économique. Nous ne pouvons que le déplorer.
Plusieurs questions ont porté sur la gestion des problématiques migratoires. Notre collègue Roger Karoutchi a regretté que l’Europe ne soit pas suffisamment considérée comme une puissance.
C’est pourtant le fil conducteur que nous avons mis en exergue dans le cadre du groupe de suivi que M. le président du Sénat a chargé la commission des affaires étrangères et la commission des affaires européennes d’organiser : l’Europe doit affirmer sa puissance, dans ce moment difficile où nos amis britanniques nous quittent.
La défense, la sécurité intérieure et la gestion de la crise migratoire sont par essence des questions régaliennes. L’Europe doit apporter sa plus-value à son rythme. En général, ce qu’elle fait, elle le fait bien. Mais elle le fait beaucoup trop lentement, ce qui ne passe pas très bien aux yeux de nos concitoyens.
En matière de lutte contre le terrorisme, la création d’une Union de la sécurité et l’amélioration de l’alimentation, de l’utilisation et de l’interopérabilité des bases de données européennes sont essentielles. Je voudrais que la France se fasse davantage entendre à Bruxelles, afin que 85 % des données venant des États membres ne soient pas fournies uniquement par cinq d’entre eux.
J’en viens à la sécurité intérieure. Il est extrêmement important que chaque État membre se dote d’un PNR national.
La défense doit reposer sur une vision stratégique partagée, fondée sur une revue stratégique de la défense européenne. Le couple franco-allemand est essentiel. Disons-le clairement : il a été en difficulté depuis quelques années ; aujourd’hui, il semble de nouveau sur le bon chemin. Au sein de la commission des affaires européennes du Sénat, nous avons souhaité la mise en place d’un Conseil européen de sécurité, d’une structure permanente de planification de commandement et de conduite des missions militaires.
Madame la ministre, j’ai écouté votre réponse sur le contrôle effectif des frontières extérieures et le renforcement opérationnel de FRONTEX. Vous avez indiqué qu’il pourrait y avoir une action sur un État membre après avis et décision du Conseil, sur demande d’un État membre. J’espère que la demande ne prendra pas trop de temps. Nous ne sommes pas dans une structure fédérale, et cela ne sera jamais le cas, ou, du moins, pas avant des lustres. L’Union est une confédération d’États-nations. Ne prenons pas trop de temps pour décider d’une telle action, si ne nous voulons pas que l’Europe perde de sa puissance et de sa crédibilité.
L’Europe doit apporter un appui plus généreux de ses fonds de cohésion. Nous avons manqué de générosité et de solidarité à l’égard de l’Italie. C’est sans doute ce qui explique les résultats électoraux du Mouvement 5 étoiles. Faisons très attention à cela.
Comme je l’ai souligné tout à l’heure, la politique de retour ne fonctionne pas. L’esprit de La Valette s’inscrit précisément dans celui des propos que Robert Schuman avait prononcés le 9 mai 1950. Pour ma part, j’aimerais une approche un peu plus « autoritaire » : tout pays tiers qui n’accepterait pas d’entrer dans le jeu d’une politique de retour ne devrait plus être bénéficiaire d’une aide au développement. L’Europe est un grand pays, solidaire et généreux. Mais la générosité a des règles. Nous savons très bien qu’un certain nombre d’États, notamment africains, n’accordent des retours et des réintégrations que sur les doigts d’une seule main. Nous ne pouvons pas accepter cela. De mémoire, le dernier cadre financier pluriannuel prévoyait 55 milliards d’euros d’aide au développement, distribués ensuite par l’ONU. On perd un peu la « traçabilité » de ces aides. Je souhaite que la France puisse tenir un tel discours.