La financiarisation du CPF se traduit directement par une baisse du droit à formation, il faut quand même le mesurer : 150 heures à un prix moyen de 35 euros - à l'Agefos-PME, le plafond est fixé à 50 euros - représentent 5 250 euros ; or, à terme, le maximum sera fixé à 5 000 euros. Si on traduit les 150 heures acquises au taux de 14,28 euros prévu, on arrive à 2 142 euros. C'est donc une baisse du droit très importante qui résulte de cette monétisation.
Je ne reviendrai pas sur l'individualisation, mais il y a un point sur lequel je voudrais mettre l'accent : la rupture avec la logique de co-construction. En renvoyant à la personne l'achat de l'acte de formation, alors que la formation ne réussit que si elle bénéficie à l'entreprise et à l'individu, on casse cette stratégie de co-construction qu'il va falloir, de notre point de vue, redynamiser par des politiques de branches. Aujourd'hui, celles-ci ne sont pas gravées dans le marbre, elles dépendront de la bonne volonté et du rapport de forces existant dans chaque branche.
Vous avez aussi évoqué la suppression des listes. Pour mon organisation, la CGT, c'était un point important. La suppression des listes a été une de nos revendications depuis la réforme de 2014 : ce système était aberrant, parce qu'il reposait sur l'exclusion. Comment créer un droit, si la première règle mise en oeuvre consiste à exclure l'accès à telle ou telle formation ? Nous avons toujours défendu l'idée qu'il faut, dans le cadre de cette stratégie de co-construction, une stratégie d'abondement. Puisque l'on sait très bien que, avec 150 heures, on ne peut pas accéder à une formation, il faut qu'on incite à y aller avec des abondements. On peut donc s'interroger sur l'objectif visé par la suppression des listes. A priori, nous sommes forcément d'accord ; malheureusement, en supprimant les listes, on déstructure aussi tous les diplômes et toutes les actions de formation, avec la mise en place des blocs de compétences, avec la mise en avant de ce qu'on appelle « l'inventaire », qui est une liste non plus de diplômes qui amènent à une qualification, mais de certifications qui amènent à des compétences. Il y a là un débat de fond qui me semble essentiel dans l'orientation politique de cette réforme.
Dernier point, la définition de l'action de formation. On ne peut qu'être satisfait de l'élargissement des processus pédagogique pris en compte dans le cadre d'une action de formation. Sur ce point, il y a unanimité. Mais se pose un autre problème : dans la nouvelle définition, on passe à un objectif de formation qui est exclusivement professionnel. En 1971, on parlait d'éducation permanente. Aujourd'hui, on passe à « un parcours pédagogique permettant d'atteindre un objectif professionnel » : une action qui ne répondrait pas cet à objectif ne serait pas considérée comme une action de formation. Je pense que c'est un vrai recul pour la société.