Intervention de Joël Ruiz

Commission des affaires sociales — Réunion du 16 mai 2018 à 9h00
Table ronde « formation professionnelle »

Joël Ruiz, directeur général d'Agefos-PME :

Les co-financements de l'Agefos-PME touchent environ 10 % de nos ressortissants. La réalité du taux de départ en formation est bien supérieure car nombre de formations sont intégralement financées par l'employeur lui-même ; notamment dans les grandes entreprises.

Dans le secteur privé, le taux de départ en formation, dans les très petites entreprises de moins de 10 salariés, oscille entre 12 % et 13 %. Dans les entreprises entre 10 et 50-100 salariés, il atteint 25 %. Il faut aller au-delà de 350 salariés, voire de 1 000, pour arriver à 50 % des effectifs partant en formation. Ces données agrégées cachent des disparités majeures. Pour une entreprise du numérique qui n'investirait pas dans la formation de ses collaborateurs, c'est la mort assurée. L'Agefos-PME a accompagné massivement en priorité les entreprises de moins de 100 salariés. D'après les mesures d'évaluation de l'impact des fonds mutualisés effectuées par le Céreq, cela a permis le doublement du taux de départ en formation.

Si j'ai effectivement évoqué une baisse des ressources, je précise qu'il s'agit d'une réallocation des ressources vers la priorité qu'est la lutte contre le chômage. Quand on réalloue, on enlève à certains pour donner à d'autres. C'est pour cela que j'insiste sur le fait qu'oublier l'ambition première du texte c'est passer à côté de sa logique générale.

La question de la monétisation est à relier à d'autres interrogations sur la « société des individus » et l'éventuelle contradiction susceptible d'être soulevée entre certaines des priorités affichées. Ne mélangeons-pas tout. La formation est un mot-valise qui cache des réalités différentes, pour lesquelles, à l'étranger, il existe souvent des termes spécifiques. En français, parce que l'on ne parle que de « formation professionnelle continue », on oublie les finalités. Dès lors que la formation concerne l'« entraînement professionnel », cela renvoie à la situation de travail et à l'entreprise. S'il s'agit d'« éducation professionnelle », avec une finalité diplômante, qualifiante, certifiante, cela devient un sujet de co-investissement et d'accompagnement. C'est de ce point de vue que se pose la question de la mutualisation des ressources au regard de l'objectif de hausse du niveau de qualification.

Le compte personnel de formation « nouvelle génération » a vocation à cofinancer, non pas l'« entraînement professionnel », mais des formations qui conduisent à une certification, donc inéluctablement plus chères. Puisqu'il est question de droits individuels, d'individus qui portent eux-mêmes leurs compétences, donc leurs certifications professionnelles, encore faut-il qu'ils sachent vers quoi ils se dirigent. D'où l'importance de l'accompagnement et des priorités affichées à ce titre. Je ne vois pas en quoi il y aurait une contradiction dans le texte : il y a bien une priorité absolue, un objectif premier, l'emploi, puis des objectifs seconds.

Quant aux régions, elles ont un rôle important à jouer, sur la politique de l'emploi justement : c'est là qu'elles sont attendues, de concert avec Pôle emploi et les pouvoirs publics. Ayons à l'esprit que le PIC est le deuxième levier majeur utilisé dans le cadre de la réforme. Il va concentrer, dès cette année, énormément de ressources. Les régions sont donc non pas exclues du système, mais réorientées sur la politique de l'emploi prioritairement, avec Pôle emploi, et elles interviennent toujours en appui pour les investissements en faveur des CFA. C'est sur le financement de l'apprentissage et le mécanisme de régulation qu'il y a eu un transfert de compétences vers l'État, via les missions de péréquation assignées à l'agence France Compétences, et vers les branches professionnelles pour la fixation des critères de prise en charge et des certifications.

Dans le précédent mécanisme, les régions, les partenaires sociaux et l'État avaient une capacité d'intervenir sur l'ensemble de l'éventail des dispositifs et se concertaient. L'une des conséquences de la réforme, c'est de confier à chacun une responsabilité, un domaine, mais sans possibilité de se concerter sur les autres sujets. Chaque dispositif doit avoir son responsable, et donc son financeur principal.

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