L'employabilité, dans le cadre de la formation, renvoie à la responsabilité de l'entreprise. Les ordonnances portant réforme du code du travail ont très largement fixé le paysage et la réforme envisagée ne vient que se greffer sur ce dispositif sans pour autant le modifier sur le fond. Deux problématiques sont importantes : la gestion individuelle et la gestion collective des compétences dans l'entreprise. Je ne m'appesantirai pas sur la sémantique du mot « compétences » par rapport à celui de « qualifications ».
S'agissant de la gestion individuelle des compétences, si on fait le lien entre les ordonnances et la réforme qui nous est proposée, il y a un principe structurant de la loi qui est maintenu : l'employeur a l'obligation d'offrir au salarié une formation d'adaptation au poste de travail et de veiller à sa capacité à occuper un emploi. Cette formulation était dans la loi, elle y figure bien évidemment toujours. Lorsque le salarié quitte son emploi, il doit pouvoir être employable ailleurs. Le projet de loi précise même que le temps de formation est, par principe, un temps de travail effectif. Il y a donc une adéquation entre formation et temps de travail effectif, consolidée dans le texte.
La question porte davantage sur ce que signifie l'obligation de veiller à la capacité à occuper un emploi : s'agit-il du même emploi ou d'un autre ? Et que signifie « veiller » ? La réponse apportée dans la loi, c'est que « veiller » renvoie à un droit de procédure, relatif, d'une part, à l'entretien professionnel, maintenu dans la loi, d'autre part, au bilan de parcours au terme de six années. Si l'employeur n'a pas respecté un certain nombre d'obligations portant notamment sur la formation et la tenue d'entretiens professionnels, il devra verser un abondement supplémentaire au salarié. Voilà un mécanisme fondamental sur la question de l'employabilité.
Il me paraît important de faire en sorte que l'obligation générique d'employabilité soit clairement réaffirmée. À cet égard, ce que je vais dire ne plaira pas à mes amis de l'Agefos-PME : il est totalement anormal que l'obligation de tenir un entretien professionnel n'existe que pour les entreprises de plus de 50 salariés. J'étais moi-même patron d'une petite entreprise et je discutais évidemment avec mes collaborateurs de leurs perspectives professionnelles. Pour l'Agefos-PME, tout au moins pour la CPME, le dialogue social dans nos petites entreprises s'entend avec les salariés eux-mêmes, pas avec les syndicats. Chiche ! Faisons en sorte que soit clairement inscrite dans la loi l'obligation d'entretien professionnel avec le salarié dans toutes les entreprises. La disposition adoptée à l'époque fut le résultat d'un lobbying réussi de la CPME.
Par ailleurs, il est prévu qu'à partir de 2020 soit rendue obligatoire une révision générale des compétences et des qualifications au bout de six années, pour vérifier que l'employeur a bien respecté l'obligation d'entretien professionnel et que le salarié a bénéficié soit d'une évolution professionnelle, soit d'une formation. La formulation proposée est relativement ambiguë. Il faudrait la clarifier pour éviter qu'une personne ne soit « remise sur le marché » en ayant perdu toute capacité à se développer à l'extérieur. Cela renvoie à la question du système d'indemnisation du chômage et à l'externalisation de la responsabilité.
J'en viens à la gestion collective des compétences. Dans l'entreprise, elle renvoie au dialogue social, à la consultation du comité social et économique nouvellement institué, ainsi qu'à de possibles négociations d'entreprise. Sur ce dernier point, il ne faut pas se faire d'illusions : j'ai contribué pendant de nombreuses années au bilan de la négociation collective publiée par le ministère du travail ; la négociation sur la formation dans l'entreprise, sur les 40 000 accords d'entreprise signés chaque année, représente de l'ordre de 1 % ou 2 %. Dans le cadre des compétences données au comité social et économique, il conviendrait que la procédure d'entretien professionnel et le bilan de compétences fassent l'objet non pas d'une information statistique mais d'une approche beaucoup plus qualitative.
Si la question de l'employabilité est une réalité juridique, si le droit existant est plutôt satisfaisant, il reste amendable.