Intervention de Philippe Dominati

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 15 mai 2018 à 14h30
Application des lois — Communication de m. philippe dominati

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati, président, rapporteur :

Comme chaque année, notre commission contrôle l'application des lois qu'elle a examinées au fond au cours de la session précédente, c'est-à-dire des lois promulguées entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2017. Les statistiques sont arrêtées au 31 mars 2018.

Notre collègue Valérie Létard, présidente de la délégation du Bureau du Sénat chargée du travail parlementaire, devrait présenter à la conférence des Présidents une synthèse des analyses des différentes commissions ; un débat sur le bilan de l'application des lois se tiendra en salle Clemenceau le 5 juin prochain. Notre collègue Vincent Delahaye a également entamé, en sa qualité de vice-président, le recensement des lois inappliquées ou inapplicables sur le fondement notamment de l'absence de mesures d'application.

Pour ce qui concerne la commission des finances, le taux de mise en application des lois promulguées durant la session 2016-2017 atteint 83 %. Il est supérieur au taux de 76 % de la session précédente mais pour un nombre de mesures attendues inférieur - 82 mesures contre 114 mesures pour la session 2016-2017. Point positif, les délais se sont améliorés : alors que l'an passé, moins de 30 % des mesures d'application avaient été prises dans le délai de six mois prescrit par une circulaire du Premier ministre du 29 février 2008, cette année ce taux atteint plus de 65 %. Il est en très nette progression mais il n'est cependant pas exceptionnel, puisqu'il était par exemple de 75 % en 2012-2013.

Nos statistiques pour cette session portent sur l'application de la loi de finances pour 2017 et de la loi de finances rectificative pour 2016. En effet, la loi du 1er mars 2017 relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d'agglomération issues de la transformation de syndicats d'agglomération nouvelle (SAN) ne nécessitait pas de mesure d'application. De même, la loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2016 est d'application directe. Les conventions fiscales et les traités internationaux ne sont pas pris en compte pour le contrôle de l'application des lois. Enfin, les dispositions pour lesquelles notre commission avait reçu des délégations au fond - comme par exemple, pour la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite « Sapin 2 » - font l'objet d'un suivi statistique par la commission délégante, à savoir la commission des lois.

Pour ce qui concerne l'application de la loi de finances pour 2017, l'article 60, introduisant le prélèvement à la source pour l'impôt sur le revenu, prévoyait à lui seul onze mesures d'application. L'ensemble de ces mesures ont été prises dans le délai de six mois suivant la promulgation. Toutefois, l'entrée en vigueur de ces dispositions a été reportée au 1er janvier 2019 et de nouveaux aménagements ont été réalisés dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2017. Seules deux mesures prévues par la loi de finances pour 2017 n'ont pas encore été prises, l'une relative à l'extension de l'assiette de la taxe sur les transactions financières - devenue sans objet compte tenu de la suppression de cette extension dans la loi de finances pour 2018 - et l'autre relative à l'affectation de 2 % du produit brut du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) aux éco organismes agréés faute de mise en place de la filière « responsabilité élargie du producteur ».

Pour la loi de finances rectificative pour 2016, 31 mesures ont été prises, le taux d'application s'élevant à 72 %. Parmi les mesures toujours attendues figure le décret précisant les modalités selon lesquelles la déclaration automatique sécurisée (DAS) des revenus des utilisateurs des plateformes en ligne à l'administration fiscale est adressée annuellement par voie électronique : la mesure est prévue pour entrer en vigueur seulement en 2019 et ce sujet est repris, dans des termes légèrement différents, à l'article 4 du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, ce qui montre pour le moins le souhait du Gouvernement de prendre du temps pour la mise en oeuvre de cette mesure préconisée par notre commission des finances. Les trois décrets prévus pour créer la taxe due par les entreprises de transport aérien opérant sur l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle pour le financement du Charles de Gaulle-Express n'ont pas non plus été pris, la date de la perception de la contribution spéciale CDG-Express ne devant certes intervenir qu'à partir du 1er avril 2024.

Pour les deux lois pour lesquelles la commission des finances était intervenue avec des délégations au fond, à savoir la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique et la loi du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin 2 »), seules trois mesures d'application de cette loi n'ont pas été prises, dont l'une concernant la faculté pour les détenteurs de livret A et de livret de développement durable d'affecter une partie des intérêts sous forme de don à une entreprise solidaire. Envisagée en décembre 2016, la publication de ce décret n'est pas intervenue, ce qui rend inapplicable cette disposition et confirme l'analyse du rapporteur de notre commission, Albéric de Montgolfier, qui soulignait le manque de précision du dispositif proposé.

Dans l'ensemble, les textes réglementaires attendus ont été publiés et sont conformes à leur objet.

Un point important est également le suivi des ordonnances, particulièrement nombreuses dans le domaine financier. Cette année, nous avons contrôlé la publication des ordonnances prévues par la loi dite « Sapin 2 ». Au total, sur les treize ordonnances attendues, douze ont été signées mais aucune n'a été ratifiée alors que onze projets de lois de ratification ont été déposés dont cinq au Sénat. Seule l'ordonnance du 9 août 2017 concernant les services de paiement dans le marché intérieur est à un stade avancé de ratification, puisque le projet de loi sera bientôt examiné en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. La seule ordonnance qui n'a pas été prise concerne l'habilitation donnée au Gouvernement pour créer un code monétaire et financier spécifique à l'outre-mer. Cette demande d'habilitation semble n'avoir pas été suffisamment réfléchie puisque la Commission supérieure de la codification, dans un avis de juin 2017, a émis des réserves, souhaitant notamment que l'ordonnance soit circonscrite aux collectivités du Pacifique, ce qui ne correspond pas à l'habilitation. Depuis, le dossier semble ne pas avoir progressé.

Nous suivons également la remise des rapports au Parlement. Au cours de la période, quinze rapports ont été demandés et seulement sept ont été remis - dont deux de manière non officielle. Même si notre commission s'était montrée défavorable à plusieurs demandes de rapports, notamment lorsque les informations étaient disponibles dans des documents budgétaires - concernant par exemple l'aide au développement - il est regrettable de ne pas appliquer des dispositions votées définitivement. Par exemple, le rapport relatif à la suppression des taxes à faible rendement, prévu par l'article 83 de la loi de finances pour 2017, ne nous a pas été remis - alors même que ce sujet est un point de préoccupation récurrent.

Certains dispositifs des textes antérieurs à la session 2016-2017 ne sont toujours pas appliqués ; cela dure depuis plusieurs années. La plus ancienne disposition législative relevant de notre contrôle qui reste en attente de texte d'application est l'article 126 de la loi de finances pour 2011 relatif au régime juridique de déduction des redevances de concession de brevet. De même, quatre mesures d'application de la loi de finances pour 2012 n'ont toujours pas été prises, concernant par exemple le régime des redevances perçues à l'obtention de certificats sanitaires pour exporter des produits alimentaires d'origine non animale, ou encore le régime d'octroi des licences de vente du tabac dans les départements d'outre-mer. Dans ce dernier cas, l'absence de décret d'application s'explique par le report de la mesure à plusieurs reprises, y compris dans la dernière loi de finances rectificative pour 2017. Notre commission, à l'initiative du rapporteur général, avait adopté un amendement supprimant ces dispositions qui apparaissent comme des effets d'annonce, faute de volonté de les appliquer concrètement.

Parfois, des mesures d'application ne sont pas prises car la disposition législative a en quelque sorte anticipé sur la réalité : ainsi, la loi de finances rectificative pour 2011 a créé une redevance sur les gisements d'hydrocarbures en mer, et un décret devait fixer le taux pour calculer cette redevance. Mais aucune mesure d'application n'a été prise, faute d'exploitation de gisement d'hydrocarbures en mer. Les premières exploitations ne sont pas prévues avant 2020.

Comme l'année dernière, nous regrettons que la liste des États et territoires non coopératifs (ETNC) pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, qui doit en principe être actualisée chaque année, ne l'ait pas été depuis avril 2016 et l'affaire des « Panama Papers ». En revanche, les négociations se poursuivent au niveau européen pour élaborer une liste européenne.

De même, après plusieurs années de protestation sur le manque d'information du Parlement, et l'engagement de la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, Mme Gény-Stephann en séance publique le 19 avril dernier, nous venons de recevoir le « jaune » qui doit être annexé au projet de loi de finances de chaque année sur l'échange d'informations fiscales entre la France et ses partenaires... pour les années 2015 et 2016. C'est un premier pas de combler le retard accumulé, mais ces informations devront désormais nous être délivrées en temps utile pour être exploitées.

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