Merci, madame la présidente.
Je voudrais tout d'abord remercier notre présidente, qui a accueilli avec intérêt notre proposition de rapport et qui nous a donné la possibilité de conduire ce projet.
Le sujet des mutilations sexuelles féminines est important à l'heure actuelle, car ne nous voilons pas la face, le corps de la femme devient aujourd'hui un enjeu dans beaucoup de domaines - l'excision en fait partie - et notre délégation, justement, porte ces sujets-là.
Je vais pour ma part vous présenter les méthodes de travail qui nous permettent aujourd'hui de vous présenter notre rapport.
On aurait pu croire qu'en France, après la prise de conscience de la gravité de l'excision dans les années 1980, et après les procès très médiatisés de cette époque, notre pays pouvait considérer ce combat comme acquis.
Il n'en est malheureusement rien et depuis plusieurs années, des associations et des médecins s'inquiètent de la recrudescence d'un phénomène qui touche désormais non plus tant, comme c'était le cas par le passé, des nourrissons, mais des adolescentes. On a pu constater malheureusement qu'au fil du temps l'âge des victimes a évolué.
Selon les acteurs de la lutte contre l'excision, des jeunes filles sont ainsi menacées de subir une mutilation pendant les congés scolaires, à l'occasion de séjours dans le pays d'origine de leur famille. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question.
Ce point nous avait été signalé notamment par le Docteur Ghada Hatem, gynécologue, fondatrice de La Maison des femmes de Saint-Denis, que nous avons entendue le 14 décembre 2017.
Il était donc important que notre délégation contribue, par ce rapport, à mieux faire connaître les risques actuellement liés à l'excision et qu'elle appelle à soutenir la mobilisation de tous les acteurs concernés.
Nous nous sommes appuyées, pour mener à bien ce travail, sur des échanges avec des victimes de mutilations et avec des acteurs de la lutte contre l'excision, rencontrés au cours de deux déplacements :
- d'abord à l'Institut en santé génésique de Saint-Germain-en-Laye, qui s'appelle aujourd'hui Women safe, où exerce le Docteur Pierre Foldès, pionnier des techniques de réparation chirurgicale proposée aux victimes de mutilations sexuelles ; les responsables de cet institut ont ensuite été auditionnés, le 22 mars dernier - vous vous en souvenez certainement, tant cette audition a été marquante ;
- au foyer Une femme, un toit, dédié à l'hébergement de jeunes femmes victimes de violences, où nous avons rencontré une ancienne résidente, opérée à Saint-Germain-en-Laye : on voit bien qu'il existe une connexion autour des acteurs de la lutte contre l'excision.
Une table ronde organisée le 8 février 2018, à l'occasion de la Journée internationale de tolérance zéro, nous a permis de rassembler six témoignages montrant la diversité des politiques publiques concernées par la lutte contre l'excision : santé, asile, formation des professionnels...
Nous avons aussi entendu le Docteur Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol, particulièrement impliquée, en tant qu'ancien médecin de PMI (Protection maternelle et infantile), contre l'excision.
Parallèlement à ces entretiens et rencontres, nous nous sommes référées à des rapports officiels, comme par exemple un avis de 2013 de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), document qui reste une référence importante dans ce domaine.
Nous avons également pris connaissance de publications de l'UNICEF. Il n'est pas étonnant que cette institution fasse partie des organismes particulièrement engagés contre l'excision, puisque les mutilations touchent tout particulièrement des enfants : chaque année, trois millions de fillettes sont excisées, comme l'a rappelé le Docteur Foldès lors de son audition, le 22 mars 2018. S'agissant des risques courus par les très jeunes victimes, il est important de souligner que l'excision concerne un autre fléau qui touche plus particulièrement les fillettes et les adolescentes : les mariages précoces et forcés qui vont de pair, il faut en être conscient, avec le viol conjugal.
Nous nous sommes aussi appuyées sur les analyses de l'Institut national d'études démographiques (INED), indispensables pour appréhender la réalité statistique de pratiques dont les conséquences concernent directement notre pays.
Nous avons également lu des témoignages publiés par certaines victimes. L'une d'entre elles, Diaryatou Bah, auteure de On m'a volé mon enfance, un titre qui en dit beaucoup, était présente lors de la table ronde du 8 février dernier. Je dois dire que cette lecture est aussi dure qu'édifiante, comme d'ailleurs le témoignage de Diaryatou Bah que nous avons entendu ce jour-là.
Nous nous sommes aussi inspirées des résolutions et rapports que nos collègues du Parlement européen et du Conseil de l'Europe consacrent régulièrement à l'excision, et nous avons considéré que notre délégation se devait, à travers ce rapport, de contribuer à ce débat.
Bien évidemment, nous aurions pu entendre encore plus de spécialistes et d'acteurs de la lutte contre les mutilations.
Mais au sein d'un ordre du jour parlementaire très chargé cette année, tout particulièrement à la délégation, il nous a fallu prendre la difficile décision de clore cette enquête et de mettre un point final à notre rapport, qui s'articule autour de deux parties principales :
- tout d'abord, l'état des lieux des mutilations sexuelles dans le monde. Ces pratiques sont loin de régresser car elles concernent 200 millions de femmes dans le monde, dont 44 millions sont âgées de moins de 15 ans : n'oublions jamais que les mutilations sexuelles féminines font une victime toutes les quinze secondes dans le monde. Depuis que nous avons commencé notre réunion, des petites filles ont été mutilées. Il faut en être conscient ;
- il s'agit par ailleurs de pratiques sujettes à certaines évolutions : nos interlocuteurs nous ont mis en garde contre le fait que les mutilations, après avoir concerné au premier chef des fillettes et des adolescentes, peuvent désormais survenir à des âges relativement avancés, vers 25 ans, voire être subies plusieurs fois dans leur vie par certaines femmes ;
- ensuite, la problématique de l'excision en France est une réalité, de même qu'en Amérique du nord et dans tous les pays d'Europe. L'excision n'est pas limitée à certains pays comme la Somalie ou l'Égypte. Selon l'INED, plus de 500 000 femmes seraient concernées en Europe, dont 135 000 femmes et filles au Royaume-Uni.
Ces chiffres nous ont donc encouragées à appeler à une intensification de la mobilisation de tous les acteurs contre la persistance de ces mutilations, dans notre pays.