Intervention de Maryvonne Blondin

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 16 mai 2018 : 1ère réunion
Mutilations sexuelles féminines — Examen du rapport d'information et des propositions de recommandations de mmes maryvonne blondin et marta de cidrac co-rapporteures

Photo de Maryvonne BlondinMaryvonne Blondin, co-rapporteure :

Je vais vous présenter les quinze « constats et points de vigilance » qui constituent en quelque sorte l'ancrage des recommandations que nous soumettons aujourd'hui à votre approbation.

Avant de vous les commenter, je voudrais souligner que nous avons toutes les deux, en tant que co-rapporteures, travaillé dans une bonne entente, et je voudrais, moi aussi, m'associer aux remerciements adressés à notre présidente par Marta de Cidrac.

Le rapport se réfère à plusieurs reprises aux travaux de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) dont j'ai l'honneur d'être membre en tant que parlementaire française. L'APCE s'est en effet beaucoup impliquée dans la lutte contre l'excision. J'ai donc fait part à mes collègues européens de notre travail. Je voudrais souligner combien il est important de faire connaître nos réflexions dans ce cadre international, afin que nous puissions travailler ensemble, parlementaires français et de toute l'Europe, à des sujets d'intérêt commun. Les rapports établis dans le cadre de l'APCE sont soumis au Conseil des ministres, qui peut demander aux États de transposer dans leur droit interne les recommandations qu'il soutient. Il est donc important que notre travail puisse être relayé auprès de l'APCE.

Une excision toutes les quinze secondes, 200 millions de femmes mutilées dans le monde, trente pays : voilà des chiffres qu'il faut garder à l'esprit pour évaluer l'ampleur des mutilations sexuelles féminines.

Je tiens à souligner que ce travail sur l'excision a toute sa place dans un agenda de la délégation dédié, en 2017-2018, aux violences faites aux femmes : les mutilations sexuelles s'inscrivent en effet dans un ensemble de violences marqué par les violences sexuelles, les violences intrafamiliales, le mariage forcé, et donc le viol conjugal - cela a été dit - et, pour certaines victimes, par la prostitution de survie. Ce point a été souligné lors de notre visite à Une femme, un toit et je remercie sa directrice de nous avoir alertées sur ce point.

Je voudrais aussi citer deux des témoins que nous avons rencontrées, car leurs mots illustrent la gravité de l'excision et le traumatisme vécu par les victimes.

Lors de notre visite au centre d'hébergement Une femme, un toit, nous avons entendu une jeune femme qui, parlant de la douleur qu'elle avait ressentie, estime à propos de l'excision : « c'est être vivante et morte à la fois ». Dans la même logique, une autre ancienne patiente du Docteur Foldès nous a dit à Saint-Germain-en-Laye : « La date de mon opération est ma deuxième date de naissance ».

De fait, pour toutes les femmes qui ont le courage d'évoquer la mutilation qu'elles ont subie, les conséquences pour leur santé et leur état général sont effroyables, qu'il s'agisse de complications obstétricales, généralement inévitables, de rapports sexuels souvent douloureux, de difficultés comme l'incontinence ou de douleurs persistantes qui rendent souvent impossible toute activité professionnelle.

Nous avons été frappées de constater que les victimes de mutilations cumulent les conséquences d'un parcours de violences conjuguant excision, viols et violences conjugales, et les effets d'une grande précarité sociale aggravée par une santé très dégradée.

Je voudrais enfin préciser que nous avons pris le parti, dans ce rapport, de nous référer au terme de « mutilations sexuelles féminines » de préférence à celui de « mutilations génitales féminines », généralement utilisé dans le cadre de l'ONU comme d'ailleurs dans celui du Conseil de l'Europe.

Nous avons été convaincues par l'analyse de personnalités comme le Docteur Emmanuelle Piet ou Ernestine Ronai, qui insistent sur le fait que ces mutilations visent en premier lieu la sexualité féminine, et qu'elles constituent une violation des droits fondamentaux des fillettes et des femmes. Ce terme nous a donc paru préférable à celui de « mutilation génitale », qui semble renvoyer à des problématiques médicales, ce qui nous a paru réducteur. L'excision est la conséquence d'un pouvoir de domination masculine.

J'en reviens à nos remarques préalables, que nous avons intitulées « constats et points de vigilance ». Je ne vais pas les commenter dans leur intégralité et me bornerai pour l'essentiel à préciser les points suivants :

- nous exprimons tout d'abord de l'inquiétude devant l'ampleur statistique de ces mutilations. Je ne reviens pas sur les chiffres, mais ils nous conduisent à souligner l'importance de la Journée onusienne « Tolérance zéro » et à soutenir l'objectif d'éradication des mutilations, défendu par l'ONU, même si la réussite de cet objectif à l'échéance de 2030, souhaitée par l'ONU, n'est pas acquise d'avance...

Nous vous proposons aussi que la délégation fasse siennes des exigences fortes :

- la condamnation des professionnels de santé qui, dans certains pays, pratiquent les mutilations : il s'agit là d'un dévoiement inacceptable de la médecine et il est heureux que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) se soit élevée contre la participation de médecins à ces pratiques ; le Docteur Pierre Foldès nous a d'ailleurs appris que ces mutilations étaient beaucoup plus difficiles à identifier et à réparer lorsqu'elles ont été effectuées par un médecin ;

- le rejet de toute justification des mutilations par la tradition culturelle ou religieuse et la nécessité du maintien d'une réponse pénale rigoureuse à ces pratiques ;

- l'importance cruciale d'une forte implication des hommes contre les mutilations sexuelles féminines : comme le disait l'une des intervenantes que nous avons entendues, le jour où les hommes diront : « on n'épouse plus les femmes excisées », ces mutilations cesseront assez rapidement... Les exciseuses sont certes souvent des femmes, mais comme l'a souligné l'une de nos interlocutrices, ce sont les hommes qui les payent ! Et ce sont eux qui épousent des femmes excisées ! Il ne s'agit donc pas, contrairement à la présentation qui peut en être faite, d'une « affaire de femmes »... ;

- l'importance primordiale d'un renforcement des moyens de la médecine scolaire, indispensable au repérage des victimes et à la protection des petites filles et adolescentes menacées d'excision. Notre délégation est dans son rôle lorsqu'elle porte cette exigence.

Nous soulignons aussi l'importance de la convention d'Istanbul, qui engage très explicitement les États à sanctionner les mutilations sexuelles féminines. Nous souhaitons que notre délégation appelle, une fois de plus, à une très large ratification de cet instrument international indispensable à la lutte contre toutes les violences faites aux femmes.

Enfin, nous suggérons de rendre hommage, par ce rapport, aux acteurs de la lutte contre les mutilations sexuelles féminines, notamment aux pionniers de ce combat comme l'avocate Linda Weil-Curiel, qui a directement participé aux premiers procès des années 1980.

Nous proposons aussi de marquer notre soutien aux associations, qui agissent au quotidien contre l'excision dans un contexte financier trop souvent difficile.

Nous allons maintenant vous présenter les 15 recommandations qui concluent notre travail et que nous soumettons à votre examen et, nous l'espérons, à votre approbation. Vous avez le texte de nos recommandations dans les dossiers. Je cède la parole à Marta de Cidrac qui va vous présenter nos premières recommandations.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion