Mon pessimisme vient de la méthode suivie pour sauver Presstalis et de l'absence d'information disponible sur ce plan présenté par Madame Benbunan et validé par le Tribunal de commerce. Or, sa réalisation devrait induire chaque année une perte de chiffre d'affaires de 50 000 euros pour chacune de mes publications. Sans remettre en cause le principe de la contribution, je conteste l'absence d'information quant à l'utilisation de ces fonds. Vont-ils servir au financement d'un plan social destiné aux ouvriers du livre ? Allons-nous obtenir un système beaucoup plus fluide de distribution et réduire les surcapacités actuelles ? La présentation de ce plan de façon transparente me paraît essentielle, afin de voir si l'effort que nous sommes prêts à consentir permettra d'assainir le secteur.
J'ai dirigé le journal Le Monde. Bien que non gestionnaire, je suis un journaliste qui s'intéresse à l'économie. En 2000, l'arrivée d'actionnaires a entraîné la fin de l'autogestion de ce quotidien et de l'utopie d'après-guerre selon laquelle le journalisme devait être une activité de bien commun et non le support d'une entreprise comme une autre. Le Monde, sous ma direction, payait ce que Presstalis lui demandait, sans récrimination aucune. Désormais, la nouvelle direction du quotidien remet en cause l'ensemble des engagements souscrits, non seulement auprès de Presstalis, mais aussi de tous ses prestataires, la parution, en fin d'après-midi, du Monde exigeant un mode de distribution spécifique.
Ma demande de commission d'enquête procède d'une volonté d'obtenir les informations auxquelles, comme éditeur, je n'ai pas accès. Je souhaitais attirer votre attention, en recourant à une enquête journalistique. Quelles solutions préconiser pour l'ensemble d'une presse aux caractéristiques diverses ? En l'absence d'une distribution spécifique, par Presstalis, en fonction de la localisation des lectorats, les éditeurs doivent recourir à des régleurs. Une première solution consisterait ainsi à distinguer les coûts et les structures selon les rythmes de parution. Une seconde piste pourrait s'attacher à la logistique, en réduisant les surcapacités induisant des surcoûts pour les petits éditeurs. La Loi Bichet, héritage du programme du Conseil national de la Résistance et de l'idée du pluralisme de la presse, prévoit la distribution des journaux sur l'ensemble du territoire national. L'absence de choix des revues distribuées est un problème pour les marchands de presse. Soyons cependant prudents : si les linéaires de distribution venaient à être gérés par le kiosquier, comment assurer, à terme, le pluralisme de la presse, au-delà des règles applicables à la presse d'information politique et générale (IPG) qui ne concernent qu'une minorité de journaux ? Si les linéaires venaient à être attribués en fonction de la puissance des groupes de presse, les petits éditeurs devraient alors quémander leur distribution auprès des grands groupes. L'afflux indifférencié ne doit certes pas étouffer les points de vente, mais veillons à respecter l'esprit de la Loi Bichet qui promeut la diversité de la presse, à partir du moment où celle-ci ne contrevient pas aux règles de notre démocratie.
Certaines parutions, qui sont publicitaires et réalisées sans journalistes, bénéficient du système de distribution qu'ils engorgent et dont ils contribuent au renchérissement. Ces publications, qui peuvent présenter des taux d'invendus de l'ordre de 80%, devraient être identifiées et leurs éditeurs pénalisés.