Intervention de Jean-Louis Tourenne

Réunion du 17 mai 2018 à 14h30
Comment repenser la politique familiale en france — Débat interactif suite

Photo de Jean-Louis TourenneJean-Louis Tourenne :

Notre modèle social permet de diviser par quatre les inégalités de niveau de vie, et pourtant l’inégalité des chances persiste. La main invisible de l’organisation sociale nourrit les frustrations, les amertumes, que la violence parfois exprime. Elle alimente le caractère héréditaire des classes dominantes et leur entre-soi.

Édifiants, les chiffres de fréquentation des crèches, des pratiques culturelles et sportives, des universités et des grandes écoles ! Cela a de terribles conséquences : destins tracés et gâchés, violences, déterminisme social, montée des extrêmes.

Ce n’est pourtant pas une fatalité. De nombreuses mesures prises sous le précédent quinquennat visaient à réduire les inégalités et y ont concouru : revalorisation de l’allocation de soutien familial, majoration du montant du complément familial, modulation de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, et des allocations familiales, augmentation des crédits affectés aux crèches.

Mais le présent gouvernement semble s’employer à revenir sur ces acquis, avec la réduction du montant de la PAJE et du nombre des bénéficiaires de celle-ci, le retour à la semaine de quatre jours de classe, qui fait perdre à des enfants l’occasion d’accéder aux pratiques culturelles et sportives, des licenciements facilités, dont la perspective fragilise les familles, la remise en cause envisagée de l’accord avec la CNAF sur la scolarisation précoce.

Pourtant, les initiatives foisonnent. J’en donnerai quelques exemples, que je tire du territoire que je connais le mieux : accroissement du nombre de crèches accueillant au moins 40 % d’enfants issus de milieux populaires, enrichissement du vocabulaire par le parler bambin, et ce pas seulement en crèche, internats de « respiration », séjours de vacances pour ceux qui ne partent jamais et qui découvrent ainsi d’autres horizons, promotion de l’école du bonheur, qui apprend à maîtriser ses émotions et à surseoir au passage à l’acte, scolarisation à l’âge de deux ans. Bref, il y faut la vision d’une société plus juste et une plus grande détermination.

Je rêve que ce débat ne serve pas seulement à cacher les vilains coups de rabot de Bercy, en quête des milliards perdus au bénéfice des plus riches. La politique familiale, dotée de 85 milliards d’euros, peut porter de beaux fruits, non pas seulement par une politique du chiffre, mais surtout par une politique de l’épanouissement de chaque enfant, propre à nourrir l’espoir que le destin de celui-ci ne sera pas déterminé irrémédiablement par les conditions de sa naissance.

La cohésion sociale, le bien vivre ensemble et même la sécurité sont à ce prix. Cela exige la création d’un grand service public de la petite enfance. Y êtes-vous prête, madame la ministre ?

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