Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 avril 2018 à 8h30
Institutions européennes — Travaux de la task force « subsidiarité et proportionnalité » : rapport d'information de mm. jean bizet philippe bonnecarrère et simon sutour

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

La Commission européenne a présenté, le 1er mars 2017, son livre blanc sur l'avenir de l'Europe à l'horizon 2025. Ce document envisage différentes pistes pour l'avenir de l'Union européenne après la sortie du Royaume-Uni. Il sert de base à la contribution politique que la Commission devrait transmettre au Conseil européen consacré à l'avenir de l'Union européenne, qui se réunira à Sibiu, sous présidence roumaine, le 9 mai 2019. Selon le scénario n° 4, « Faire moins, mais de manière plus efficace », l'Union devrait accroître ses efforts dans certains domaines et, parallèlement, cesser d'agir ou intervenir moins dans d'autres.

C'est dans cette optique que la Commission européenne a mis en place, le 18 janvier 2018, une Task force « Subsidiarité et proportionnalité ». Ce groupe de travail est composé de six membres : trois représentants des parlements nationaux désignés par la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) et trois représentants du Comité des régions. Il est présidé par M. Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne.

Les représentants des parlements nationaux sont issus des pays de la troïka, c'est-à-dire l'État qui préside l'Union, celui qui l'a présidée avant lui et celui qui la présidera après. Il arrivera donc parfois qu'aucun pays fondateur ne soit représenté.

Trois missions lui ont été assignées : déterminer si les procédures mises en place en matière de subsidiarité fonctionnent et envisager d'éventuels aménagements ; définir les domaines où l'Union doit intervenir et ceux où elle doit laisser la place à l'échelon national et régional ; mieux associer les autorités régionales et locales au processus législatif européen.

La Task force devrait présenter ses conclusions d'ici à l'été prochain, lesquelles seront intégrées dans la contribution de la Commission au Conseil européen de Sibiu.

Les parlements nationaux ont pu développer, depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, une certaine expertise en matière de subsidiarité. Le protocole n° 2 annexé au traité nous accorde un droit de regard sur les projets d'actes législatifs afin de vérifier leur compatibilité avec le principe de subsidiarité. La pratique régulière de ce contrôle a permis à notre commission d'évaluer la procédure en tant que telle et de préconiser aujourd'hui certains aménagements que Simon Sutour présentera dans quelques instants.

Plus largement, le referendum britannique sur la sortie du Royaume-Uni nous conduit aujourd'hui à réfléchir au périmètre d'action de l'Union européenne. Si le Brexit renforce l'exigence d'unité et de cohésion, il ne doit pas occulter les difficultés de fonctionnement de l'Union, notamment son manque de lisibilité et de proximité avec les citoyens. Celui-ci est lié pour partie à une forme de dérive bureaucratique et à l'inflation normative qui a pu en découler. Un certain scepticisme a gagné l'opinion publique, le projet politique européen n'ayant pas, par ailleurs, suscité de véritable appropriation de la part des États membres. À ce manque s'est ajoutée une certaine propension à la « bruxellisation » des échecs nationaux. L'image de l'Union européenne en ressort inévitablement brouillée, posant en creux la question de la plus-value de son action. Le partage plus clair des compétences et le respect du principe de subsidiarité apparaissent donc plus que jamais au coeur des réflexions à mener sur la relance du projet européen. Nous avions abordé cette question, l'an dernier, avec le groupe de suivi du Sénat sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne.

Tout partage de l'exercice de la souveraineté doit être opéré pour répondre de manière pratique à des besoins spécifiques. Ces partages ne sauraient s'imposer aux États et doivent reposer sur les traités et non sur une lecture fédéraliste de ceux-ci. L'Union demeure avant tout une fédération d'États-nations et non un État fédéral au sens classique du terme. L'objectif de la construction européenne ne peut être réduit à celui d'une uniformisation. L'harmonisation et la convergence peuvent laisser une marge d'appréciation aux États membres. La notion de subsidiarité ne saurait, pour autant, se confondre avec une vision crispée de la souveraineté. La subsidiarité est devenue, à juste raison, un moyen d'action politique. Elle ne doit pas, pour autant, être détournée de son objectif initial : faciliter l'action de l'Union européenne lorsque les circonstances l'exigent et faire en sorte que l'action publique ne soit pas mise en oeuvre isolément au sein de chaque État membre. Philippe Bonnecarrère va détailler dans un instant les domaines dans lesquels l'action de l'Union européenne doit être renforcée et ceux dans lesquels elle ne doit agir qu'en appui des États membres.

L'ensemble de nos observations sont précisées dans le rapport qui vous a été transmis. Celui-ci servira, si vous en êtes d'accord, de contribution du Sénat au groupe de travail qu'a mis en place la COSAC pour alimenter les réflexions de la Task force.

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