Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 avril 2018 à 8h30
Institutions européennes — Travaux de la task force « subsidiarité et proportionnalité » : rapport d'information de mm. jean bizet philippe bonnecarrère et simon sutour

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Depuis 2010, notre commission a examiné près de 740 textes au titre de la subsidiarité et adopté 28 avis motivés à l'intention de la Commission. La plupart des secteurs ont fait l'objet d'une intervention de notre part : justice et affaires intérieures, énergie, agriculture, santé, affaires sociales, services financiers, Union économique et monétaire, marché unique, environnement, culture, transports ou fiscalité. Il s'agit donc bien d'une analyse poussée des justifications liées à la présence de compétences exclusives, de référence au marché unique ou au caractère transfrontalier de l'action envisagée.

Le contrôle de subsidiarité ne doit pas pour autant se transformer en un intégrisme juridique où la forme l'emporterait totalement sur le fond. Nous jugeons toujours plus pertinent de ne pas émettre d'emblée un avis motivé dès lors que sa portée, fût-elle juridiquement plaidable, pourrait constituer un signal politique négatif au regard d'un objectif de l'Union européenne faisant par ailleurs consensus. Nous privilégions alors l'avis politique.

Cette pratique régulière de la subsidiarité a, en tout état de cause, contribué à forger un constat sur la procédure en tant que telle. Elle semble largement perfectible.

La Commission européenne devrait, au préalable, mieux justifier le recours à une proposition législative et ne saurait limiter la justification de son intervention à l'approfondissement du marché intérieur. L'argument de la Commission jugeant que le contrôle exercé concerne plus la proportionnalité que la subsidiarité doit également être écarté. Au contraire, les deux principes participent d'un même « bloc de constitutionnalité » européen, pour reprendre l'expression de Philippe Bonnecarrère, et sont intrinsèquement liés. C'est également à la lumière de ce constat que la Commission doit engager une véritable réflexion sur l'impact de toute nouvelle législation.

Les parlements nationaux disposent aujourd'hui de 8 semaines à compter de la transmission du projet de texte par la Commission européenne pour évaluer le respect du principe de subsidiarité. Ce délai peut apparaître court et devrait être porté à 10 semaines. En cas d'avis motivé, la Commission doit également s'attacher à répondre plus rapidement : un délai de 12 semaines devrait être fixé. Elle devrait également insister précisément sur les arguments soulevés par les parlements nationaux.

Les actes délégués ou d'exécution, auxquels la Commission a trop fréquemment recours, devraient être transmis aux parlements nationaux aux fins de contrôle du respect de principe de subsidiarité, ces actes ayant vocation à compléter les actes législatifs.

L'arrangement trouvé le 19 mars 2016 avec le Royaume-Uni, rendu caduc par le résultat du referendum, pourrait également être repris en ce qui concerne la subsidiarité. Ainsi, dans le cas où les avis motivés sur le non-respect du principe de subsidiarité par un projet d'acte législatif de l'Union représentent plus de 55 % des voix attribuées aux parlements nationaux, la présidence du Conseil devrait inscrire la question à l'ordre du jour du Conseil afin que ces avis motivés et les conséquences à en tirer fassent l'objet d'une délibération approfondie. À la suite de cette délibération, les représentants des États membres pourraient mettre fin à l'examen du projet d'acte en question ou le modifier pour prendre en compte les préoccupations exprimées.

Les premiers échanges au sein de la Task force font également état de pistes de travail qui peuvent apparaître pertinentes.

La première concerne les seuils retenus pour émettre un « carton jaune ». Il est en effet possible de s'interroger sur l'efficacité d'un dispositif qui nécessite un tiers des parlements nationaux pour généralement aboutir à un simple réexamen du texte. Dans ces conditions, ce seuil pourrait être abaissé.

La seconde permettrait aux parlements nationaux de réexaminer le texte au titre de la subsidiarité dès lors que celui-ci a connu des modifications substantielles au cours des négociations au Conseil et au Parlement européen.

Nous ne pouvons qu'accueillir favorablement de telles options. Nous nous interrogeons néanmoins sur la possibilité de les mettre en oeuvre effectivement, puisqu'elles impliquent une révision des traités. On pourrait encourager l'élaboration d'une déclaration commune dans le cadre de la COSAC, aux termes de laquelle la Commission européenne s'engagerait à réexaminer les textes dès qu'un seuil minimal, plus réduit que celui fixé par le protocole n° 2, est atteint. On pourrait prévoir également une nouvelle transmission des textes ayant fait l'objet de modifications substantielles lors des négociations. Ce type de procédure informelle n'est pas une nouveauté.

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