Intervention de Philippe Bonnecarrere

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 avril 2018 à 8h30
Institutions européennes — Travaux de la task force « subsidiarité et proportionnalité » : rapport d'information de mm. jean bizet philippe bonnecarrère et simon sutour

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

Le scénario n° 4 du livre blanc de la Commission sur l'avenir de l'Europe prévoit de « faire moins, mais de manière plus efficace ». Cette ambition mérite d'être saluée tant elle doit permettre de renforcer la visibilité de l'Union européenne et d'améliorer la lisibilité de ses interventions. Le débat sur la plus-value européenne doit être replacé dans le cadre d'une réflexion plus générale sur les ambitions assignées à l'Union européenne. Si nos concitoyens récusent une Union trop interventionniste au quotidien, ils privilégient une Europe qui s'affirme sur la scène internationale afin, notamment, de faire face aux défis sécuritaires. L'Europe-puissance ou « l'Europe qui protège » se décline dans plusieurs domaines : défense, sécurité, gestion de la crise migratoire avec l'émergence d'un véritable droit d'asile européen ou négociations commerciales. Parvenir à son accomplissement doit être l'un des fils rouges de notre réflexion sur une meilleure répartition des compétences entre l'UE et les États membres.

Créée à partir du marché intérieur, l'Union européenne ne doit pas, non plus, négliger ses fondamentaux. Dans le scénario n° 4, la Commission européenne préconise aujourd'hui de mieux cibler son intervention dans le domaine économique en la concentrant sur l'aide à l'innovation, la défense des consommateurs et l'approfondissement de l'Union économique et monétaire. Cette approche recueille notre appui, à condition qu'elle soit précisée.

La Commission entend désormais privilégier l'excellence dans la recherche et l'investissement dans de nouveaux projets d'envergure européenne. Reste à déterminer dans quelle mesure l'action de l'Union européenne doit représenter une réelle plus-value, et non se substituer à celle des États membres, ce à quoi nous assistons trop fréquemment, notamment dans le domaine de l'énergie.

Plus largement, l'intervention de l'Union européenne apparaît à la fois justifiée et indispensable dès lors qu'elle concourt à l'amélioration de la compétitivité des entreprises européennes et qu'elle favorise l'investissement. Elle doit accompagner les évolutions et non les freiner, en laissant toute leur place aux dynamiques nationales. La politique de la concurrence doit ainsi être au service de la politique industrielle européenne et faciliter l'émergence de champions européens.

La Commission envisage, par ailleurs, de moins intervenir sur des volets de la politique sociale et de l'emploi et de maintenir des niveaux de taxation variable de part et d'autre de l'Union européenne. Nous pensons à l'inverse que l'Union doit progresser sur la voie de la convergence fiscale et sociale.

La Commission indique d'autres domaines dans lesquels l'Union européenne ne devrait intervenir qu'à l'appui des États membres, à l'image de la santé publique ou du développement régional. Les États bénéficieraient également d'une marge d'expérimentation plus grande dans certains secteurs comme la protection des consommateurs, l'hygiène ou la sécurité au travail. Nous souscrivons à l'idée d'un meilleur partage de compétences. Nous devons néanmoins adopter une approche pragmatique, et non déterminer à l'avance les domaines dans lesquels l'Union européenne ne devrait plus intervenir.

Toute réglementation européenne doit démontrer une réelle plus-value, être compréhensible et ne pas concourir à alourdir la charge administrative pesant sur l'activité. Nous devons également refuser toute harmonisation dès lors que celle-ci conduit à uniformiser par le bas les droits des citoyens européens.

Nous devons en outre être vigilants sur la nature même des textes juridiques proposés par la Commission. La pratique a fait apparaître une application nouvelle de ces instruments, avec un paradoxe : certains règlements ouvrent assez largement la voie à des mesures nationales d'adaptation quand d'autres directives d'harmonisation maximale interdisent toute liberté au législateur national...

L'intention affichée par la Commission de limiter son intervention en matière régionale peut susciter des craintes légitimes tant la politique européenne dans ce domaine contribue financièrement au développement de nos régions. Plus qu'un retrait, vos rapporteurs estiment que la simplification de la politique de cohésion apparaît indispensable si l'on entend mettre en avant la plus-value européenne dans le domaine régional. Il s'agit, ainsi, de garantir son appropriation par nos concitoyens.

Le cas de la politique régionale met en lumière la question de la simplification. Nous estimons que toute interrogation sur le périmètre et les modalités d'intervention de l'Union européenne doit s'accompagner préalablement d'une réflexion sur la simplification des procédures et des normes qu'elle a élaborées. La Commission doit poursuivre son travail en faveur de la lutte contre l'inflation normative et l'allègement de la charge réglementaire, ce qui irait dans le sens d'une meilleure application du principe de subsidiarité. Il s'agit aujourd'hui de moins légiférer et de mieux légiférer. La visibilité et la compréhension de l'action de l'Union européenne par les citoyens européens passent par une telle rationalisation.

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