Intervention de Philippe Klayman

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 18 avril 2018 à 15h30
Audition de M. Philippe Klayman directeur central des compagnies républicaines de sécurité dccrs

Philippe Klayman, directeur central des compagnies républicaines de sécurité (DCCRS) :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, j'ai bien noté l'ensemble des questions, et j'ai bien compris que vous abordiez le sujet par le prisme très particulier et dramatique des suicides dans la police nationale. Est-ce un effet statistique ou faut-il y chercher d'autres raisons ?

On peut constater qu'il y a proportionnellement moins de suicides et moins de tentatives de suicides au sein de la DCCRS que dans le reste de la police nationale.

J'ai malheureusement eu à déplorer quatre suicides en 2017, et un au début de cette année. C'est évidemment cinq de trop. On a bien entendu appliqué de façon scrupuleuse les différentes mesures des plans de prévention du suicide du ministère de l'intérieur - accompagnement, détection et sensibilisation de la hiérarchie à tous les niveaux -, mais peut-être faut-il chercher les raisons de ce moindre nombre dans le mode de vie des CRS.

Nos fonctionnaires passent plus de la moitié de l'année en déplacement, connaissent un mode de vie collectif, et ont peut-être plus que d'autres la possibilité de se confier à des collègues ou à la hiérarchie immédiate, gradés ou officiers. Il n'est pas nécessaire de rappeler la formule du maréchal Lyautey sur le rôle social de l'officier, inscrit dans la démarche des CRS. Il est de la responsabilité de l'officier, du lieutenant jusqu'au commandant, d'être le plus proche possible de ses hommes, dans les moments difficiles du maintien de l'ordre, mais aussi en dehors, afin d'avoir une troupe le plus possible dans la cohésion, garantie d'une prestation réussie sur le terrain.

À ce titre, on prend en compte ce qui va bien, mais également ce qui va mal, professionnellement comme de manière plus intime et familiale.

Ceci peut être institutionnalisé, ainsi que les différents plans que vous citiez l'ont prévu, mais relève aussi beaucoup de l'informel, de la qualité du contact hiérarchique, de la confiance que les fonctionnaires se font entre eux et ont en leur hiérarchie. C'est pourquoi ils cherchent assez souvent chez leurs gradés ou leurs officiers conseils, avis ou réponses concernant des sujets qui n'ont que peu de choses à voir avec le strict cadre professionnel.

C'est un début d'explication. Je note qu'il existe cependant une certaine corrélation entre les statistiques et ce mode de vie très particulier si unique au sein de la police nationale.

Pour le reste, si vous le voulez bien, je souhaiterais dresser un rapide panorama de la maison CRS, ce qui me permettra également de répondre à un certain nombre de vos légitimes interrogations.

Tout d'abord, la maison CRS compte aujourd'hui 13 200 fonctionnaires. Ils étaient 15 500 en 2007, avant la RGPP. Si on n'a pas ces deux données statistiques en tête, il est difficile de comprendre les conséquences, parfois difficultueuses, que nous rencontrons dans l'accomplissement d'une mission de plus en plus dense et marquée par une diversification des risques et du besoin de sécurité exprimé par la population ainsi que par nos autorités.

La maison CRS est composée de 60 compagnies de maintien de l'ordre, plus une, la CRS 1, dédiée à la protection des hautes personnalités, notamment du Président de la République et du Premier ministre, mais également d'un certain nombre de ministres régaliens. La maison CRS compte également neuf compagnies autoroutières - qui exercent une police spécialisée sur les grands axes routiers et autoroutiers de dégagement des grandes agglomérations urbaines -, six unités motocyclistes zonales et deux compagnies de montagne, une compagnie Alpes et une compagnie Pyrénées, qui ont en charge d'assurer les secours en moyenne et surtout haute montagne, en coopération étroite avec les camarades du peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM).

Ce qui fait la spécificité de la mission CRS, c'est sa vocation de réserve générale de la police nationale. Au-delà des mots, cela implique, 365 jours par an, une disponibilité sans faille. Chaque commandant de compagnie a obligation, 365 jours par an, de pouvoir aligner sur le terrain les trois cinquièmes de son unité pour mener les missions décidées par le ministre de l'intérieur.

Cela suppose une garantie de mobilité sans entrave pour l'ensemble des compagnies de maintien de l'ordre, qui sont les seules à se déplacer en unité constituée, d'où les problèmes de véhicules, d'hébergement, et un certain nombre de sujets liés à cette capacité de se projeter en toutes circonstances.

C'est ce qui explique l'obligation de l'autonomie. La maison a été ainsi conçue à l'origine : elle ne doit dépendre d'aucune contingence extérieure pour accomplir sa mission, notamment s'agissant de toutes les données logistiques. Elle doit pouvoir compter sur ses propres ressources - mécanique, armement, alimentation, etc. - pour délivrer une prestation dont l'issue ne doit pas dépendre d'un intervenant extérieur.

Enfin, cette vocation de réserve générale de la police nationale, qui était axée depuis 1944 sur le strict domaine de l'ordre public, s'est largement diversifiée, à partir des années 1990 notamment, quand les CRS ont été employés dans les quartiers difficiles ou dans les centres-villes pour lutter contre des phénomènes de délinquance.

Autrement dit, cette vocation de réserve générale de la police nationale s'accompagne aujourd'hui d'une obligation de polyvalence missionnelle, d'autant plus d'actualité que notre pays est confronté à des risques de très haute intensité. La maison CRS accomplit la mission, malgré des moyens qui pourraient être améliorés quantitativement et qualitativement.

Le problème majeur est celui des effectifs. Je l'ai cité tout à l'heure à dessein. C'est l'une des explications des difficultés que rencontrent cette maison, avec des répercussions bien au-delà des effets tactiques ou purement policiers, sur le plan social et sur le moral des fonctionnaires et, au-delà, sur la capacité de résilience de la maison CRS.

Je l'ai dit, on comptait un peu moins de 15 500 fonctionnaires en 2007, contre 13 200 aujourd'hui, pour un plafond d'emplois au-delà de 13 700. Cela signifie que le nombre d'ETP auquel j'ai droit n'est pas à ce jour satisfait.

Quand bien même le serait-il, il permettrait tout juste de garantir dans le temps et quelles que soient les circonstances la résilience de la maison CRS. On estime à environ 14 000 le seuil en deçà duquel la maison connaît des difficultés.

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