Intervention de Philippe Klayman

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 18 avril 2018 à 15h30
Audition de M. Philippe Klayman directeur central des compagnies républicaines de sécurité dccrs

Philippe Klayman, directeur central des compagnies républicaines de sécurité (DCCRS) :

L'interpellation est un objectif louable et souhaitable, mais la finalité même du maintien de l'ordre est de faire cesser le trouble à l'ordre public. C'est la priorité absolue des autorités d'emploi, d'où la difficulté d'arriver à rétablir l'ordre parmi la population qui peut entendre ces messages et isoler les individus les plus violents pour les disperser, voire les interpeller.

On réalise régulièrement des arrestations en flagrant délit et, parfois même, avec un travail judiciaire, notamment grâce aux images tournées par nos effectifs au sein des unités, mais aussi par la sécurité publique. Des prises de vues de ces épisodes très violents sont réalisées le plus souvent possible, de telle sorte qu'il puisse y avoir ensuite un travail d'investigation, puis d'éventuelles interpellations dans les jours qui suivent.

L'interpellation, en pratique, n'est pas très simple. Plus on protège les fonctionnaires - ce qui est un objectif essentiel - moins on favorise leur mobilité.

C'est parfois au détriment de la capacité à se projeter. Les BAC et les compagnies départementales d'intervention recourent souvent aux mêmes méthodes : il peut y avoir des actions offensives très précises après identification d'un individu et action déterminée très ponctuelle pour l'interpeller. On y arrive, mais ce n'est pas facile, et ce n'est pas le but premier du maintien de l'ordre.

S'agissant des autres questions, certes on peut se dire que le métier de CRS est difficile, qu'il éloigne les fonctionnaires de leur domicile, peut créer de la tension, voire de la souffrance, de la fatigue, mais aucun fonctionnaire, qu'il soit gardien de la paix ou officier, ne se voit imposer cette affectation.

Quand on considère la fidélité de la plupart des CRS à leur maison, on peut douter que ces missions soient si terrifiantes.

Les fonctionnaires opèrent un choix de mode de vie collectif qui les amène à changer de lieu et de mission très fréquemment. C'est même ce qu'ils recherchent. L'imprévu, l'aventure, le changement permanent sont des éléments attractifs dans le métier, d'ailleurs assorti d'un appareil indemnitaire qui permet de prendre en compte les désagréments de l'éloignement familial. Ce mode de vie est choisi et apprécié.

La fidélisation des unités constitue un argument que l'on entend très souvent et qui semble relever du bon sens. Pourtant, elle est totalement impraticable. En effet, l'emploi dans la maison est complètement erratique : un jour, on va envoyer quatorze unités à Nantes, puis à Menton pour traiter une pression migratoire anormalement élevée et renforcer un temps le dispositif.

Très souvent, les fonctionnaires de police sont passés par plusieurs directions avant d'être CRS. La plupart des fonctionnaires connaissent le métier de la sécurité publique. C'est le rôle de l'encadrement de former les personnels et de leur donner les consignes nécessaires pour être efficaces, même s'ils ne sont pas dans leur lieu de résidence. À Marseille, on a été d'une efficacité remarquable, même s'il s'agissait d'unités du Nord de la France !

Ce mode de vie n'est absolument pas un obstacle à l'efficacité de la maison, bien au contraire. Ce type d'emploi correspond à une façon d'envisager le métier de policier. Cela peut être inné, cela peut être également acquis. Toute la particularité de la maison CRS, c'est de délivrer une prestation la plus maîtrisée possible.

Cela passe par un encadrement très puissant, avec une structure organisationnelle des unités qui repose sur le commandant, les officiers, une organisation en sections avec, à la tête de chacune, un major qui dispose de plusieurs adjoints brigadiers chefs. Ce sont des gens d'expérience, qui ont de nombreuses années de CRS derrière eux. Ils sont capables d'expliquer aux jeunes les contraintes du métier, comment ne pas céder aux provocations, demeurer disciplinés. C'est ce qui garantit à l'autorité d'emploi que la prestation délivrée sera non seulement conforme à un but précis, mais c'est également ce que le politique attend de la maîtrise de l'ordre public sur le territoire.

Il est fondamental d'expliquer à l'ensemble des fonctionnaires de la maison CRS que tout manquement en service, en mission, notamment d'ordre public, a potentiellement des conséquences bien au-delà des conséquences tactiques, opérationnelles ou policières. Un manquement en matière d'ordre public - il y a quelques exemples dans l'histoire de notre pays - peut rapidement prendre un tour politique majeur et mettre en difficulté le Gouvernement, au-delà des cadres policiers en charge de l'ordre public.

Tout cela repose sur une structure maîtrisée de la maison CRS et sur un outil de formation très dense et préservé à tout prix. On fait en sorte que chaque fonctionnaire et chaque unité bénéficient chaque année de 25 jours de formation individuelle et collective, et de compétences techniques notamment liées aux nouveaux ajouts tactiques que sont l'anti-terrorisme, la lutte contre l'immigration clandestine, le paramédical opérationnel.

La formation fait l'objet d'une volonté de sanctuarisation, qui est l'une des garanties de la maîtrise totale sur le terrain, à côté d'un encadrement expérimenté et très serré.

S'agissant de la ZAD, je ne suis pas présent sur Notre-Dame-des-Landes. Cette zone relève de la gendarmerie. Pour des raisons de cohérence tactique, la DGGN a souhaité que seuls ses escadrons soient présents sur le terrain, à une exception près : dimanche dernier, les gendarmes, qui n'en disposent pas, ont souhaité que des véhicules lanceurs d'eau armés par des fonctionnaires CRS viennent les épauler dans les endroits jugés sensibles de la ZAD.

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