Cette commission mixte paritaire est chargée d'examiner deux versions difficilement conciliables d'un texte sur un sujet que nos deux assemblées ont pourtant abordé à plusieurs reprises au cours de l'année écoulée et pour lequel un groupe de travail réunissant des députés et des sénateurs de toutes les sensibilités avait été réuni auprès de la ministre Jacqueline Gourault afin d'élaborer une solution de compromis acceptable.
Si nous ne parvenons pas à adopter un texte commun aujourd'hui, ces travaux auront au moins permis de dresser un état des lieux approfondi de la situation à laquelle sont confrontés nos territoires.
Que constatons-nous ? En premier lieu, la gestion actuelle de l'eau potable et de l'assainissement souffre d'un déficit chronique d'investissement et représente pour les territoires une charge croissante du fait de la raréfaction de la ressource et de pollutions toujours plus difficiles à traiter. Les défis de la politique de l'eau sont devant nous. Or la question des compétences techniques et du financement des ouvrages ne manquera pas de se poser : elle justifie selon nous d'encourager la coopération intercommunale.
Par ailleurs, nombre de maires n'ont pas encore engagé le transfert de la compétence eau et assainissement aux intercommunalités d'ici au 1er janvier 2020, comme le prévoit la loi NOTRE. Ils sont confrontés à de réelles difficultés, que nous reconnaissons tout à fait, et auxquelles nous avons souhaité apporter une réponse.
Sur cette base, l'Assemblée nationale a retenu en première lecture une position pragmatique : ne pas remettre en question la nécessité pour les territoires de s'organiser à l'échelon pertinent - l'EPCI - pour mener des politiques nécessitant des investissements lourds sur le long terme, tout en laissant le temps aux acteurs d'élaborer un projet commun. Les députés ont ainsi fait leur le compromis annoncé lors du centième congrès des maires par le Premier ministre et détaillé par le groupe de travail précédemment mentionné. Il permet aux communes représentant 25 % des membres d'une communauté de communes et 20 % de sa population de constituer une minorité de blocage pour le transfert des compétences « eau » et « assainissement » jusqu'au 1er janvier 2026.
Les collectivités concernées disposeront ainsi de six années supplémentaires pour se préparer et nous garantissons, à plus long terme, les conditions d'un service public de qualité répondant aux attentes légitimes des citoyens en termes sanitaires et de bonne gestion de la ressource disponible.
Cette rédaction nous semble équilibrée. Au contraire, nous jugeons inacceptable la proposition de statu quo du Sénat, parce qu'elle ne prend pas en compte les difficultés, qui ne cesseront de s'accroître, pour assurer une gestion satisfaisante de la politique de l'eau au niveau communal.
En outre, nous avons apporté une clarification sur la gestion des eaux pluviales et de ruissellement en la rattachant explicitement à la compétence « assainissement ». En cela, nous n'avons fait que confirmer l'état du droit.
Si nous ne nous retrouvons pas sur ce point, puisque le Sénat souhaite, d'une part, séparer les compétences « assainissement » et « eau pluviales » et, d'autre part, renvoyer aux assises de l'eau la question des eaux de ruissellement, nous continuerons à travailler avec le Gouvernement en vue de la nouvelle lecture pour répondre aux inquiétudes de certaines collectivités, notamment des plus petites, sur l'organisation de cette compétence.
Je souligne à ce titre que le rapport demandé au Gouvernement dans le cadre de la loi du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (GEMAPI) confirme le choix de l'Assemblée nationale en se référant au rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) selon lequel « il ne semble pas faire de doute que ces deux compétences [eau pluviale et eau de ruissellement] doivent obligatoirement être exercées, par un transfert systématique prévu par la loi, au niveau des EPCI-FP ».
Enfin, la proposition de loi lève les obstacles au maintien des syndicats ne comptant pas plus de deux EPCI : la stabilité des coopérations territoriales existantes est assurée, qu'elles regroupent des communautés de communes ou d'agglomération. Nous serons toutefois défavorables à l'extension proposée par le Sénat aux métropoles qui, au regard de leur forte intégration, doivent rester en capacité d'exercer cette compétence sur l'ensemble de leur territoire.
D'autres mesures nouvelles ont également été introduites par le Sénat qui ne nous semblent pas trouver leur place dans la proposition de loi.
Comme chacun peut le constater, les rédactions retenues par l'Assemblée nationale et le Sénat sont donc très différentes. Je les tiens pour inconciliables. C'est la raison pour laquelle les députés du groupe majoritaire avaient fait le choix de déposer une nouvelle proposition de loi, à la suite de l'initiative du Sénat. Je salue toutefois le travail de mon collègue rapporteur et des sénateurs sur ce sujet, et nous continuerons de notre côté à préciser le texte en nouvelle lecture afin de répondre au mieux aux attentes des élus locaux, des citoyens et de l'intérêt général.