Avec cet article, nous abordons un sujet essentiel, qui nous préoccupe particulièrement – Hélène Conway-Mouret vient de le souligner –, celui des acquisitions.
Au-delà du débat sur les surtranspositions, sur lesquelles vous souhaitez revenir, madame la ministre, mais auxquelles vous ne voulez pas que le Sénat touche, se pose plus généralement la question des conditions dans lesquelles nos armées s’équipent. Les sujets sont multiples et difficiles, et nous en avons des exemples divers et variés. Il y a, bien sûr, la confidentialité des informations – et notre ajout en commission y a trait. Il y a la lenteur et la lourdeur des procédures, qui sont souvent à la fois inadaptées aux besoins nouveaux identifiés en opération et porteuses du risque d’obsolescence des matériels livrés, à un moment où les cycles d’innovation sont de plus en plus courts et où il faut acheter vite pour être efficace. Il y a l’absurdité – il faut bien nommer les choses – d’une pratique qui consiste à devoir requalifier des matériels qui sont en service depuis des années dans les armées de pays amis et proches, par exemple membres de l’OTAN, une fois qu’ils ont été achetés, ce qui est parfois extrêmement compliqué et prend beaucoup de temps.
Madame la ministre, vous avez lancé un chantier de réforme de la DGA, ce dont nous vous félicitons, car nous l’attendions. Nous avons eu l’occasion, dans le cadre de la préparation de ce texte, d’échanger avec le DGA, et nous espérons maintenant des avancées sur ces sujets. J’espère que vous entendrez notre vive préoccupation sur ces questions importantes, dont nous saisissent sans cesse les industriels ou les militaires : chacun y va de sa remarque dès que l’occasion se présente. Nous n’en parlerions pas si cela ne faisait pas sujet.
En tant que sénatrices et sénateurs, nous sommes engagés dans la vie publique, au service de notre pays, mais nous ne risquons pas notre vie et n’avons nul besoin de tels matériels. Comment expliquer à nos soldats qu’il faille attendre parfois des années pour un équipement permettant de faire face aux adversaires qu’ils rencontrent sur le terrain ? Je rappelle aux esprits adeptes des subtilités du droit que, pour l’instant, les groupes terroristes n’ont pas choisi d’appliquer le code des marchés publics. Si notre droit ne permet pas d’acheter dans des conditions raisonnables les matériels nécessaires – je ne parle pas des programmes à effet majeur –, eh bien, changeons-le !
Dans cette perspective, il va de soi que nous vivons mal l’amendement du Gouvernement visant à supprimer le dispositif voté par la commission la semaine dernière. Je soupçonne la DGA de faire un peu de lobbying afin de conserver la totale maîtrise des procédures, au détriment parfois de la réactivité nécessaire au fonctionnement du processus d’acquisition, donc de l’action de nos forces.
Madame la ministre, si, comme vous l’affirmez, il s’agit d’une méconnaissance des processus d’acquisition par les acheteurs, c’est inquiétant, car cela dure depuis plusieurs années. Bien sûr, le principe de précaution pose également des problèmes majeurs. En effet, un certain nombre d’acheteurs refusent de prendre des risques de peur de voir leur responsabilité mise en cause. La discussion de cet article est l’occasion de prendre conscience des difficultés que nous rencontrons et, tous ensemble aujourd’hui, d’essayer d’y remédier.