Concernant l’amendement n° 46, la commission a un désaccord politique majeur avec Mme Prunaud et son groupe, notamment à propos de l’articulation entre l’autonomie stratégique de la France et l’autonomie stratégique de l’Europe.
Le projet de loi relatif à la programmation militaire promeut bien évidemment l’autonomie stratégique de la France, mais, dans un autre chapitre, tout aussi important, il soutient les coopérations européennes, dont nous avons absolument besoin, ne serait-ce que pour notre propre défense.
Je rappelle que, à propos de la situation au Sahel, nous avons, à de très nombreuses reprises, manifesté notre souhait de voir nos partenaires européens nous épauler. Avec 4 500 hommes pour couvrir 5 millions de kilomètres carrés, nous aimerions que d’autres pays européens comprennent que c’est aussi sur leur sécurité que nous veillons dans cette région du monde.
Au juste, que veut-on ? Établir la neutralité politique de la France ? Je rappelle que notre pays est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et est le seul, en Europe, à disposer d’une armée capable de se projeter en dehors de son territoire national, et donc susceptible d’aider à la sécurisation d’un certain nombre d’autres pays, d’où émanent des menaces pour notre sécurité au quotidien. La neutralité n’est ni notre histoire ni notre destin !
Nous devons travailler à conforter l’Europe de la défense. Nous ne sommes pas des rêveurs : nous savons bien qu’elle est très difficile à constituer. J’ai dit moi-même qu’elle devrait commencer par des achats communs, qui faciliteraient l’interopérabilité entre les forces armées. Il y a un long chemin à parcourir, mais notre seul destin, c’est l’Europe !
Telle est en tout cas notre conviction. Je comprends que les auteurs de l’amendement n° 46 ne la partagent pas, mais j’émets un avis défavorable sur celui-ci.
L’adoption de l’amendement n° 50, relatif à la politique d’exportation et de coopération dans le domaine de l’armement, remettrait en cause les objectifs de la coopération européenne.
Au demeurant, mettre en cause la politique d’exportation des armements dont la France a besoin, c’est remettre en question l’efficacité de nos propres forces armées. En effet, l’exportation est un formidable aiguillon pour l’innovation : chaque fois que nous améliorons nos armes pour les vendre dans un contexte de concurrence internationale féroce, nous renforçons nos propres moyens de sécurité. Nous le verrons bien avec les équipements plus performants dont nos forces disposeront bientôt. Songeons par exemple à la cyberdéfense : croit-on que la France pourrait assumer seule les efforts nécessaires ? Pour la mise au point du futur chasseur qui remplacera les Rafale, il faudra investir la bagatelle de 25 milliards d’euros en recherche !
La politique d’exportation et de coopération dans le domaine de l’armement étant absolument essentielle pour notre propre sécurité, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 50.
S’agissant du SOUTEX, madame Conway-Mouret, je maintiens les arguments que j’avais avancés en commission, parce que je les ai fait vérifier. J’avais moi-même entendu dire, y compris par certains industriels, qu’affecter 400 postes au renforcement de cette mission n’était peut-être pas utile. Or il n’en est rien : en effet, ces postes sont attachés à l’exécution de ce que l’on a coutume d’appeler le contrat du siècle, c’est-à-dire la construction de douze sous-marins nucléaires d’attaque de type Barracuda avec l’Australie, pour un montant de 35 milliards d’euros ou de 50 milliards de dollars. Ce contrat liera nos deux pays pendant une cinquantaine d’années ! La création de ces postes au titre de la Direction générale de l’armement est donc absolument nécessaire.
Dans ces conditions, si l’amendement n° 103 n’est pas retiré, j’y serai défavorable.
L’amendement n° 51 rectifié vise à supprimer les mentions relatives à l’exportation d’armements dans le rapport annexé. Je répète que l’exportation d’armements nous permet aussi de conserver notre base industrielle et technologique de défense, c’est-à-dire notre savoir-faire et notre expérience dans ce domaine, qui sont de très haut niveau et nous permettent de faire profiter nos armées d’équipements de très haute définition à un moindre coût.
Madame Prunaud, soyez rassurée : cette politique d’exportation d’armements est parfaitement conforme à la Charte des Nations unies. De même, la France se conforme rigoureusement à l’ensemble des sanctions mises en œuvre par les Nations unies, l’Union européenne ou l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe : elle s’interdit tout transfert ou vente d’armes à des pays sous embargo. Nous respectons bien évidemment les procédures de notification et, le cas échéant, les dérogations sollicitées.
Je vous renvoie au rapport annuel sur les exportations d’armements, qui comprend de très nombreux développements sur ce sujet, et même une annexe spécifique traitant des embargos sur les armes.
S’agissant enfin de l’amendement de coordination n° 106, je coordonne mon avis avec celui que j’ai donné à l’amendement n° 103… Avis défavorable donc, si l’amendement est maintenu.
Par ailleurs, madame Conway-Mouret, il est assez regrettable que vous proposiez de supprimer la référence à l’« équipe France », qu’est venu nous présenter Christophe Lecourtier, qui fut un formidable ambassadeur de France en Australie : nous lui devons en partie la réussite de cette équipe, qu’il est en train de reconstituer en fédérant toutes celles et tous ceux qui, notamment au sein du SOUTEX, s’efforcent de conquérir des marchés nouveaux.