Nous examinons aujourd'hui un projet de loi autorisant la ratification du traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions audiovisuelles.
Cette organisation, plus connue sous l'acronyme « OMPI », qui compte actuellement 191 États membres, dont la France et l'Union européenne, a pour principale mission de promouvoir la protection de la propriété intellectuelle dans le monde grâce à la coopération entre les États et en collaboration avec d'autres organisations internationales.
En 1996, l'OMPI a entrepris un important processus d'adaptation des droits d'auteur et des droits voisins à l'ère numérique. Le traité sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes - le TIEP - a ainsi permis d'assurer, sur le plan international, la protection des droits des artistes-interprètes participant à un enregistrement sonore ainsi que la protection des producteurs de phonogrammes.
Le présent traité, signé à Pékin en 2012, permettra d'étendre ces mêmes droits, déjà consacrés dans les ordres juridiques français et communautaire, aux artistes-interprètes et exécutants du secteur audiovisuel, c'est-à-dire aux comédiens, aux chanteurs et aux danseurs.
Il permettra aux artistes-interprètes de jouir d'un droit exclusif sur leurs interprétations. Ce droit se décompose, comme pour les auteurs, de droits patrimoniaux et d'un droit moral en raison du lien « intime » qui les relie à leur interprétation. Ces droits seront maintenus au moins jusqu'à l'extinction des droits patrimoniaux de l'artiste-interprète. Le droit moral post mortem pourra, quant à lui, être écarté par les États membres qui ne reconnaissaient pas ce droit antérieurement à la ratification du traité ou à leur adhésion.
S'agissant des droits patrimoniaux, l'artiste bénéficiera d'un droit exclusif de reproduction de son interprétation, qui s'applique pleinement dans l'environnement numérique. Le traité reconnaît en outre à l'artiste des droits de distribution, de radiodiffusion et de location commerciale au public.
En matière de diffusion, le traité de Pékin veille à maintenir un équilibre entre les droits des artistes sur leurs interprétations audiovisuelles et l'intérêt public général, notamment en matière d'enseignement, de recherche et d'accès à l'information.
En contrepartie de la radiodiffusion ou de la communication au public d'une interprétation, le traité propose aux États contractants de choisir entre trois options : octroyer à l'artiste-interprète un droit exclusif sur son interprétation ; prévoir un système de rémunération dite « équitable » ; ou n'accorder aucun droit. Il s'agit donc d'un « régime à la carte » qui permettra à chaque partie de conserver ses traditions juridiques.
En application du « traitement national » prévu à l'article 4, les artistes de l'audiovisuel pourront, dans le cadre des exploitations de leurs interprétations au sein des États contractants, être considérés comme les nationaux et être rémunérés en conséquence. Le traité de Pékin reprend à cet égard la proposition de l'Union européenne d'assortir le traitement national d'un principe de réciprocité. Par conséquent, le traitement national s'appliquera dans la mesure des notifications ou réserves faites par la partie contractante. Il convient de noter que la copie privée, qui constitue une exception au droit de reproduction, est exclue du champ du traitement national.
En outre, le traité de Pékin impose aux parties d'assurer « une protection juridique appropriée et des sanctions juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques efficaces qui sont mises en oeuvre par les artistes-interprètes ou exécutants dans le cadre de l'exercice de leurs droits ».
Enfin, le traité aborde la question de la cession des droits des artistes-interprètes aux producteurs audiovisuels sans toutefois la trancher. Cette question a constitué un point d'achoppement ayant empêché l'OMPI de conclure le traité et l'a amené à conduire des négociations pendant douze ans.
Afin de faire aboutir ces discussions, le traité de Pékin ne revêt aucun caractère contraignant et couvre l'ensemble des modèles existants au sein des États membres de l'OMPI, permettant alors à chacun d'eux de conserver son cadre juridique.
Grâce à ce traité nos artistes bénéficieront de prérogatives accrues dans les autres États parties, ce qui participera au rayonnement de la culture française à travers le monde.
Les syndicats d'artistes et les organismes de gestion collective sont satisfaits de la conclusion de ce traité qui accroît la protection des artistes-interprètes de l'audiovisuel au niveau international, notamment dans certains pays qui ne leur reconnaissent pas ou peu de protection. Le principe du traitement national garantit aux artistes-interprètes des revenus complémentaires au titre des exploitations faites dans certains États parties.
En conséquence, pour l'ensemble de ces raisons, je ne peux que préconiser l'adoption de ce projet de loi.
À ce jour, sur les 83 signataires, seuls 19 ont déjà ratifié le traité, or son entrée en vigueur nécessite 30 ratifications ou adhésions. Le dépôt des instruments de l'Union européenne et de l'ensemble de ses États membres devrait intervenir de manière simultanée.
L'examen en séance publique est prévu le 31 mai prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.